Une
Autre
Voix
Juive
|
Activités
Compte rendu de la
rencontre UAVJ du
16 avril 2005
La
séance est ouverte à 10h30 par P. Lederer, qui
remercie
P. Braouezec, député de Seine-Saint-Denis,
d'avoir bien
voulu mettre à notre disposition cette salle de
l'Assemblée nationale. Environ quatre-vingts cinq
signataires
d'UAVJ et des appels de soutien ont participé à
cette
rencontre.
P.
Braouezec souhaite la bienvenue aux participants et insiste sur
l'importance de l'action d'UAVJ au moment où un espoir
renaît au Proche-orient. Il affirme que la
société
a besoin d'UAVJ.
Intervention de Dominique Vidal
:
antisémitisme,
racisme anti-arabe et islamophobie L'intervention de Dominique Vidal
reprend le contenu de l'article publié dans le Monde
diplomatique, que l'on peut consulter par internet:
<http://www.monde-diplomatique.fr/dossiers/cncdh/>
Débat avec la salle :
F.
Kahn
rappelle quelques antécédents d'UAVJ (appel de
100
intellectuels « En tant que Juifs » («
Juifs à
des titres divers »)) et l'appel de P. Mendès
France,
pratiquement traité à l'époque
d'antisémite
par le CRIF, pour la reconnaisance de l'OLP en 1982
Gaïl
Elhanan, refuznik, décrit certains aspects des
idéologies
racistes et du sectarisme anti-religieux répandus (par
exemple
par le parti Shinouit) en Israël « pays
très
antisémite ». Dans ses expériences en
France de
soutien aux actions pour le soutien aux droits nationaux palestiniens,
il a rencontré des manifestations préoccupantes
d'antisémitisme.
Alice
Cherki souscrit à l'ensemble du discours de D.V. . Elle
évoque la position de ceux qui tiennent
l'antisémitisme
comme irréductible à toute autre forme de
racisme. Cette
attitude est à rapprocher de l'idéologie
coloniale et de
la supériorité du colonisateur sur le
colonisé
(Palestine)
Marianne
Wolff : En gros d'accord avec DV, mais il ne faut pas occulter les
difficultés. Elle se réfère
à
«l'appel des indigènes», qui divise les
organisations de gauche et lui semble dangereux. Il ne faut pas
négliger non plus la montée des
intégrismes,
contre lesquels il est indispensable de lutter.
S.
Goldberg : l'appel des indigènes et la question de
l'islamophobie divisent le MRAP.
D.
Vidal
souscrit à l'idée de fond: il faut que la
société française prenne en compte les
conséquences des 150 ans de son passé colonial.
Il n'est
pas normal que les Assises anticoloniales et le débat
n'aient
pas pu avoir lieu. Mais le texte de l'appel des indigènes
fait
une erreur majeure: la France n'est pas une
société
coloniale, mais post-coloniale, nous avons combattu contre la guerre en
Algérie, pourtant il n'y a pas de place pour nous dans cet
appel. Les jeunes des banlieues se battent pour
l'égalité
des chances et des droits. Les démarches de division sont
à proscrire.
O.
Gebuhrer : il ne faut pas oublier le rôle de
l'extrême
droite et de ses réseaux comme on le voit avec cette loi qui
impose dans l'enseignement de l'histoire la mise en évidence
du
rôle positif de la colonisation. Par ailleurs, l'existence et
le
rôle de l'ONU , dont les résolutions sont la base
d'un
règlement pacifique au proche orient, sont
menacés.
B.
Richard : Au lycée militaire d'Aix-en-Provence une plaque
rappelle le maréchal Pétain, par le biais du nom
de
baptême d'une promotion qui date de l'occupation.
Un
débat s'instaure dans la salle (interventions de Jacques
Coulardeau et Jean-Claude Halpern) sur la prise en compte, ou non, par
la recherche universitaire, du phénomène
colonial, ou de
l'histoire de l'immigration. JC Halpern conclut sur l'importance
d'analyser la conjonction de l'antisémitisme, du racisme
anti-arabe et du nouvel antisémitisme qui provient de
certains
jeunes d'origine maghrébine.
Bernard
Herzberg souligne l'importance de la suppression de la notion de race
dans la Constitution française, et dans la Constitution
européenne.
Michèle
Zemor évoque le nouvel antisémitisme
d'extrême
gauche: il ne faut pas l'ignorer. Elle souhaite que se constitue une
commission pour élaborer notre contribution aux luttes
contre
les communautarismes.
Laurent
Frajerman évoque la nécessité de
combattre
l'antisémitisme qui s'exprime dans certains secteurs de la
jeunesse d'origine maghrébine. Il y a levée des
tabous.
Une manifestation contre tous les racismes avec une organisation (UOIF)
qui flirte avec l'antisémitisme n'est pas acceptable.
MF.
Kahn
proteste contre la participation de Nicole Guedj, ministre du
gouvernement français, à une réunion
de l'Alyah
qui se propose d'envoyer des Français juifs en
Israël.
Pascal
Lederer constate que se dégage de la discussion, en gros, un
accord global avec les positions de D. Vidal. Il rappelle que trois
questions travaillent la mémoire, et le présent,
du
peuple français et des peuples européens :
l'héritage, les séquelles du génocide
des Juifs,
de l'esclavage et du colonialisme et qu'il faudra bien dire la
vérité sur ces trois drames, sans les
séparer.
Intervention
de Stéphane Hessel : Conditions de la paix au
Proche-Orient
Les
valeurs auxquelles les Juifs sont restés
attachés,
valeurs qui relèvent de la part juive de notre
identité
ne sont pas celles de l'État d'Israël. Depuis la
mort
d'Arafat qui, au contraire de M. Abbas n'avait jamais dit
«non» à la militarisation de l'Intifada
une nouvelle
phase s'est ouverte. Les points difficiles à mettre en
oeuvre
sont ceux de l'accord de Genève ; le retour
d'Israël aux
frontières de 1967 (soit 78% de l'ex-Palestine mandataire,
au
lieu des 55% de 1947), la décolonisation de la Cisjordanie,
dans
laquelle aucun gouvernement israélien n'ose se lancer dans
le
contexte actuel, Jérusalem-Est comme capitale d'un
État
palestinien et surtout le droit au retour des
réfugiés
(plus de deux millions).
(Il
ne
faut jamais oublier qu'ils ont été
chassés avec
violence ; voir le livre de Sylvain Cypel : les emmurés)
Il
faut
donner des garanties au gouvernement palestinien. Il faut stabiliser le
cessez-le-feu en faisant en sorte que les Palestiniens constatent une
amélioration dans leurs conditions de vie surtout
après
l'évacuation de Gaza. Il faut que les Juifs de la diaspora
manifestent leur solidarité et travaillent à la
reconversion des esprits.
Débat
avec la salle :
G.
Najman
: Il faut se méfier de la nature religieuse des colons,
Sharon a
été menacé de mort.
R.
Aubrac
: Il ne faut pas se cacher les difficultés. Palestiniens et
Israéliens ont raison d'avoir peur. La peur existe des deux
côtés, elle est palpable. Nous n'avons plus peur
des
Allemands parce qu'il y a eu des déclarations de
porte-parole de
grande autorité morale. Les pays du Maghreb et la France
pourraient faire une intervention commune.
MF.
Kahn
: La politique israélienne va à l'encontre de
tout
l'héritage culturel juif. La menace de guerre civile
pourra-t-elle jouer un rôle positif ? Il faudra reparler de
l'État démocratique unique.
S.
Hessel
: On pourrait effectivement associer les Marocains et les
Égyptiens. Les Palestiniens n'ont jamais obtenu un vrai
soutien
des pays arabes. Israël est une société
composite,
l'armée s'est habituée à
protéger les
colons, il sera difficile de lui faire jouer un autre rôle,
la
peur de la guerre civile pourrait faire
réfléchir. Pour
ce qui est de l'État unique, il renvoie au livre d'Amos Oz,
Aidez-nous à divorcer. Un État commun est
impossible pour
le moment. Un jour, l'ensemble de ce prodigieux Proche Orient trouvera
la paix. Apprendre à vivre ensemble est essentiel, mais cela
prendra beaucoup de temps.
Intervention
de Maurice Cling : mémoire d'Auschwitz, enjeux
français
et européens
«Les
commémorations en apprennent plus sur ceux qui
commémorent que sur l'objet de la
commémoration»
(de Kouvelakis).
Il
faut
s'interroger sur l'extrême médiatisation de la
commémoration du 27 janvier dernier, date de la
libération du camp d'Auschwitz par l'Armée rouge
(mais
pas de la plupart des prisonniers qui avaient été
évacués avant). Il a fallu des dizaines
d'années
pour que la conscience de ce qui s'est passé dans ce lieu
naisse. Maintenant, le mot holocauste a été
imposé
aux Français, par la journée
européenne.
Guère d'anniversaire jusqu'ici, sauf pour l'amicale
d'Auschwitz
et à Ivry-sur-Seine. Le 27 janvier est la date qui est
choisie
en Allemagne pour commémorer les victimes (mot ambigu) du
nazisme. Quarante-sept chefs d'État ont
été
invités en Pologne, les religions ont pris une part
exagérée à ces
cérémonies (alors que
les Nazis n'avaient pas attaqué principalement la religion
juive
en tant que telle, mais la «race» juive). On passe
sous
silence la résistance allemande et européenne. Le
contenu
de ces commémorations c'est la déploration, la
focalisation sur les victimes, notamment les enfants, qui permet de
passer sous silence les appuis et les racines du système
nazi.
L'émotion évacue l'analyse politique au lieu de
la
servir. En France, on oublie le plus souvent le rôle de
Vichy.
Dans son ambiguïté, le mot
«Auschwitz», aux
sens multiples, est devenu symbole unique, permettant les manipulations
de l'histoire.
Débat
avec la salle :
S.
Hessel
: Du côté allemand il y a une reconnaissance de la
résistance avant le 20 juillet jusqu'à maintenant
appelée «souilleuse du nid». On
réhabilite
Bonhoeffer. En France, on a été lent à
reconnaître le rôle de Vichy.
M.
Cling
: En Allemagne, la majorité de la population ne
reconnaît
pas le 8 mai comme la libération, juste comme la
«fin de
la guerre».
G.
Najman
: On commémore toujours beaucoup plus les dizaines,
cependant il
ne faut pas faire de victimisation.
A.Cherki
est perplexe devant l'intervention de M. Cling. On n'a pas trop
parlé des victimes, notamment des enfants. Les victimes
(quand
elles en ont réchappé) ou leurs descendants ont
eu un
rôle extrêmement important pour mettre au jour ce
qui
s'était passé (voir le travail fait autour des
enfants
d'Izieu, le travail de S.Klarsfeld).
Pascal
Lederer comprend l'intervention critique d'A. Cherki comme le souci de
la prise en compte de la mémoire du génocide.
Mais ce
n'est pas l'objet de l'intervention de M. Cling (qui a fait beaucoup
plus que la plupart d'entre nous pour cette mémoire, en tant
qu'un des responsables de la plus importante
fédération
de déportés, internés et
résistants, note
de PL).
Pour
M.
Cling, la question est de s'interroger, derrière
l'opération d'État qu'a été
la
commémoration de la libération d'Auschwitz, sur
les
motivations politiques de ses protagonistes. En France, en
privilégiant la déploration par rapport
à
l'analyse historique des causes, du rôle des
différentes
forces politiques, ne facilite-t-on pas l'exonération des
héritiers politiques de Vichy, unis désormais
à
d'autres forces politiques de droite? N'y a-t-il pas dans la mise en
scène sur Auschwitz, une façon de minimiser la
libération de l'Europe tout entière des forces
nazies?
Ces questions sont suffisamment importantes pour qu'on ne les balaie
pas d'un revers de main.
Bilan et perspectives
:
Le
texte
du bilan (déja communiqué aux signataires d'UAVJ)
est
commenté par P. Lederer qui fait remarquer que nous avons
prouvé l'existence dun courant de l'opinion juive qui
défend les droits nationaux de tous les peuples du
Proche-Orient, et une solution pacifique, juste et durable au conflit
sur la base de la légalité internationale et de
la
négociation. En rappelant les contacts avec les partis
politiques et les présidents des assemblées
parlementaires nous avons inscrit UAVJ dans la vie politique
française. Le texte complet est disponible sur demande.
P.
Lederer fait appel à des soutiens financiers qui sont
indispensables pour envisager des publications dans les journaux.
S.
Goldberg revient sur les manifestations contre tous les racismes qui
ont été dénoncées par
S.O.S. racisme et le
CRIF. « Il est difficile de récuser une
association (en
l'occurrence l'UOIF) une fois qu'elle a signé un texte
».
S.
Citron
se demande ce qu'il faut faire. « La parcellisation des
victimes
est un danger ».
B.
Herszberg rappelle que les nations se sont créées
dans la
guerre. Il rappelle aussi les initiatives de 1982 pour la
reconnaissance du peuple palestinien.
M.
Zemor
: est inquiète de l'évolution des
communautarismes.
« Comment être juif d'ouverture ? »
O.
Gebuhrer : Il faut bien mesurer que nous comptons dans le paysage
politique français. Il faut nouer des relations avec les
forces
de paix en Israël. Il faut que chacun se sente parti prenant
dans
UAVJ pour donner à voir le pluralisme. Il faut intervenir
auprès du gouvernement allemand. Il faut mettre en anglais
les
textes sur le site Internet (C. Panijel sera associée au
collectif et s'occupera plus particulièrement du site qui va
bientôt être opérationnel ; J.
Coulardeau se propose
pour ce travail de traduction). Il faut créer un forum des
associations juives et palestiniennes qui veulent la paix.
P.
Weyl
fait état de contact en province avec des hommes politiques,
en
se présentant avec les textes des manifestes. Il faut
multiplier
ce genre d'initiatives.
D.
Vidal
ne pense pas qu'il soit nécessaire de créer une
association de plus pour la paix, ni une association de plus contre
l'antisémitisme. Dans sa grande majorité, la
communauté juive est laïque, il y a un espace
à
occuper pour UAVJ qui doit faire bouger cette communauté.
J.
Coulardeau : Il y a un déficit dans l'étude des
drames de
notre histoire, esclavagisme colonialisme. Le communautarisme est une
réaction contre l'individualisme imposé par le
système scolaire, la négation des
communautés
nationales historiques et la négation des particularismes.
J.-C.
Halpern : Les historiens travaillent sur les drames de l'histoire de
France. On pose le problème en terme de communautarisme
plutôt qu'en terme de classes. C'est une
difficulté pour
UAVJ. S. Goldberg - Il faut des textes plus courts que l'on pourra
publier plus facilement dans le courrier des lecteurs. Il faut
rencontrer les organisations juives progressistes telles que l'UJFP le
cercle G. Crémieux, RPJ etc. (P. Lederer dit qu'on le fait).
R.
Bercovici : On a du mal avec les identités et les
dénominations. Comment être un juif d'ouverture ?
Il faut
que UAVJ soit un lieu de parole régulier.
L.
Frajerman (professeur d'histoire) affirme que le colonialisme occupe
une place importante dans les programmes. L'esclavagisme est aussi le
fait des pays arabes. Il ne faut pas jouer à la
victimisation.
Il se réjouit que la manifestation de juin 2004 contre les
racismes à l'initiative du MRAP et de la LDH ait
été annulée.
M.
Zemor
: UAVJ devrait créer une commission de lutte contre le
communautarisme, ce qui est aussi une position difficile.
D.
Belgrave pense que créer une association permet
d'être
réactif plus rapidement.
La
séance est levée à 17 heures.
Compte
rendu
établi par Pascal
Lederer
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