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Juive
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Messages reçus février-mars
2006
- 20
mars 2006
Cher Elie Chouraqui,
je
viens de regarder ton reportage et je reste perplexe, même si je
connais les conditions de production, la ré-activité
à l'actualité ou aux sujets mis en relief parce que dits
"sensibles" pour les politiques et les médias ...non, quelque
chose ne va pas dans ton approche sincère de ton
Montreuil...tu es généreux, certes. Voilà donc
un sujet complémentaire au tien:
Je
suis française.
Ma
mère est française née de parents grecs juifs
(Salonique-fin de l'Empire Ottoman-émigration des années
1920!)
Ma
mère est fille de déportée et soeur de
déportée, sa mère et une de ses soeurs de
nationalité grecque ne sont pas revenues d'Auschwitz en 1945 et
ma mère est devenue communiste et anti-Israël en 1948
tandis que son père partait en Israël. Elle a
épousé un français athée de la
Corrèze catholique.
Sa
soeur cadette, française, échappée grâce et
avec elle du port de l'étoîle, a épousé un
français juif de parents turcs et toute sa famille est sioniste
et militante pro-Israël et anti-palestinien-arabe-musulman et
chrétiens militants et non militants et...tous les arabes non
juifs.
Je
suis née dans la peur de l'antisémitisme, le besoin et le
refus d'être moi-même, juive ou pas, parce que la
communauté de ma tante décidait de mon identité et
que ma mère a une peur compulsive d'être issue de cette
religion puisqu'elle est athée et qu'elle a refusé le
port de l'étoîle.
Cherchant
à comprendre les relations pathogènes des deux soeurs et
par tendresse pour mes cousines, je suis entrée dans le
"mouvement" (sioniste) dans lequel elles militaient et je te livre mes
souvenirs de lycéenne parisienne:
1)
mes cousines se considèrent juives et pas vraiment
françaises (la religion est-elle une identité à
part entière et une nationalité? questions pour les
confusions et les aberrations dîtes dans le débat sur la
laïcité française ou vécu d'une
deuxième génération issue de l'émigration
des années 20?)
2)
pendant les "mahané" du samedi-dimanche, nous faisions la
levée du drapeau israélien en pleine forêt de
Fontainebleau
3)
dans le local du 11è arrondt, nous avions des cours obligatoires
d'hébreu moderne, de folklore "israélien" avec chants
"patriotiques" en hébreu et tout était axé sur
Israël et les possibilités de travailler en kibboutz et
même d'émigrer, de "servir le pays"
4)mes
cousines sont toujours sionistes, restent très peu
"cultivées", ne sortent pas de la "communauté", se sont
mariées "dans la communauté" et se veulent
"traditionalistes-croyantes" sans bien connaître leur propre
religion, alors...celle des "autres"...et la pensée rationaliste
grecque encore moins...
J'avoue
que même le culte de l'URSS n'avait pas la violence du culte
qu'elles vouent au mythe de la mère-patrie
israélienne!!!!!
J'ai
été expulsée du "mouvement" à cause d'un
rock'n'roll vers 1966!
Et
puis, il y a les français juif "de souche" comme, par exemple
Badinter, Weil pour citer les "connus" qui n'ont pas à confondre
leur sentiment d'émigré, de déraciné avec
le pathos pro-israélien.
Il
faut travailler sur les mouvements sionistes, ceux qui veulent "tuer de
l'arabe" lors de certaines manifestations pro-israéliennes dont
j'ai le souvenir ...
Voilà...je
te salue chaleureusement
Irène
Tenèze
petite
fille de Sarah Frantzi-Romano et nièce d'Estelle Romano,
déportées par le convoi n°43 de novembre 1942
- 2
mars 2006
Communiqué de
la Ligue des Droits de l'Homme (Paris)
On
ne lutte pas contre l'antisémitisme en cautionnant d'autres
formes de racisme.
"Après que le
grand rabbin ait cru devoir accueillir M. Philippe de Villiers, les
présidents du CRIF et du Consistoire central, ainsi que d’autres
responsables d’organisations communautaires juives ont cru devoir
s’offusquer de l’expulsion de M. de Villiers de la manifestation contre
le racisme et l’antisémitisme et à la mémoire
d’Ilan Halimi.
En donnant leur
caution à un homme dont le discours xénophobe conduit
à mêler immigration et terrorisme et à faire de
l’Islam un danger pour la France, ces responsables communautaires
donnent à croire que l’on peut s’allier avec lui.
Lutter contre
l’antisémitisme ne peut en aucune manière conduire
à ignorer toutes les autres formes de racisme.
En agissant ainsi,
le grand rabbin, le président du Consistoire central et le
président du CRIF suggèrent que toutes les manifestations
de racisme ne méritent pas la même réponse ou,
pire, que ceux qui professent la haine des musulmans peuvent trouver
grâce à leurs yeux. Ils attisent ainsi les dérives
communautaires.
La LDH en appelle
à la raison de tous : c’est au contraire dans la
réaction la plus large, celle qui conduit à
considérer que chaque acte antisémite, raciste, chaque
discrimination est une agression contre tous les habitants de ce pays,
que l’on peut trouver un début de réponse à un
cancer qui, ne l’oublions jamais, finira si on le laisse croître,
par ruiner la paix civile".
-
16
février 2006
De:
Yolande Finkelsztajn
J'ai répondu
oui à votre vote (sur l'analyse des élections en
Palestine, ndlr). Votre position me
convient car je pense effectivement que le Hamas prend en otage les
palestiniens et que ce n'est pas le moment de les
laisser tomber.
Je suis
également d'accord avec vous sur le fait que la politique israelienne n'est
pas réglée avec les quelques évacuations
tape-à l'oeil: la
destruction du mur, le retour des réfugiés, tout cela est de grande
importance.
Je pense comme
Gilles Kepel (article dans le Monde du 8.2 sur l'affaire des
caricatures) que face à ces moments
d'intégrisme - qui sont des cache-misère pour
détourner de choix politiques épouvantables ( Syrie,
Iran, Hamas en Palestine) il faut penser avec Hannah Arendt que
l'interprétation de problèmes politiques en termes
religieux est toujours un mauvais choix. Alors effectivement le Hamas a
été élu démocratiquement, mais Haider
aussi, Berlusconi aussi; cela n'a pas empêché des gens de
réagir à ces votes, non?
A cet
égard un auteur d'origine polonaise a écrit
un texte qui peut nous aider dans notre réflexion:
Holocauste et Modernité/ Zygmunt Bauman. Il essaie de montrer
comment l'holocauste est devenu un "destin" pour les juifs, et que
cela arrangeait bien les états occidentaux de ne pas avoir
à renoncer à un certain type de bureaucratie,
d'ingénierie sociale. Je ne peux
entrer ici dans les détails. Il ne nie évidemment pas que le
régime nazi ait privilégié la destruction des
juifs,
simplement il essaie de faire comprendre en quoi çela a
coincïdé avec un type de rationnalité
(pas d'affect de haine, de perversion, ni un antisémitisme plus
virulent ou génétique du peuple allemand) favorable au
développement d'une modernité comme gestion de
population.
Envisager
l'holocauste ainsi pourrait nous permettre d' y voir plus clair
en ce qui concerne Israel qui a quand même
hypothéqué la Shoah. Je crois qu'il est temps de
comprendre que faire de l'holocauste une affaire strictement juive a
été l'intérêt de nombreux états
occidentaux, que nous en payons aujourd'hui tous le prix avec ce qui se
passe au Proche-Orient et qu'il est temps de mettre les
gouvernements en état de donner des réponses
économiques, pratiques à un problème qu'il
convient à tous de garder sous le sceau d'une sorte de culpabilité
toute factice.
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