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Paix et Proche
Orient
- La
Shoah et les faux amis des Palestiniens
Article d'Akram
Belkaïd, paru dans Le Quotidien d'Oran du 14/12/06
C’est un sentiment que de nombreux Occidentaux ne comprennent pas
toujours ou bien estiment-ils qu’il est exagéré, voire
qu’il est feint. Mais le fait est que, pour moi comme pour des millions
d’Arabes, le sort des Palestiniens est une peine à vivre. Je ne
prétends pas que seuls les Arabes ou les musulmans se sentent
concernés par le drame de ce peuple. Néanmoins, cette
douleur que j’éprouve de manière régulière,
cette empathie naturelle qu’irrigue vraisemblablement mon appartenance
à un peuple longtemps dominé, sans oublier, disons-le
aussi, une réelle mauvaise conscience liée à un
fort sentiment d’impuissance, sont autant de raisons qui rendent ce
lien à la Palestine si particulier. Bien sûr, je n’oublie
pas que les dirigeants arabes ont souvent trahi les Palestiniens et
qu’ils se sont servis de leur détresse pour asseoir et
préserver leur propre pouvoir. Pour autant, cela ne doit pas
faire oublier que la question palestinienne est un ciment qui
transcende les frontières, du Maroc à l’Indonésie.
Mais, si l’on n’est pas vigilant, toute cause, même la plus
noble, peut facilement être pervertie. C’est ce qui vient
d’arriver avec cette honteuse et inadmissible « conférence
» sur l’Holocauste qui vient d’avoir lieu à
Téhéran. En accueillant toute cette brochette de
fripouilles négationnistes et révisionnistes, le
président iranien Mahmoud Ahmadinejad a fait du mal aux
Palestiniens et à leur combat pour recouvrer la dignité
qui sied à tout être humain. Plus grave encore, il a
conforté l’idée, déjà très
répandue dans le monde entier, que, finalement, les pays
musulmans sont le lieu de résurgence de la judéophobie.
En France, il n’est pas simple, quand on est arabe ou simplement
maghrébin, de défendre les Palestiniens. Il est
délicat de dire sa colère et son indignation
vis-à-vis de ce que leur inflige Israël comme traitements
inhumains. C’est un débat où l’on marche sur les oeufs et
qui empoisonne les relations avec ceux et celles qui soutiennent l’Etat
hébreu de manière inconditionnelle. En fait, l’accusation
d’antisémitisme n’est jamais loin et, parfois, on est même
exclu d’emblée des discussions et réflexions sur ce sujet
du fait de ses origines sud-méditerranéennes et de sa foi
musulmane. Mais cette mise à l’écart - qui ne dit jamais
vraiment son nom -, tout comme les agissements israéliens, ne
sauraient justifier que l’on prenne le chemin du marigot
négationniste et que l’on nie la Shoah. Rien ne peut justifier
que l’on qualifie de mythe l’extermination volontaire et
organisée de plus de six millions de Juifs.
Il y a, pour qui prétend être solidaire des Palestiniens,
des amitiés et des soutiens dont on doit se passer et qu’il faut
éviter comme la peste. N’en déplaise à ceux qui
sont toujours dans l’attente d’un zaïm qui réveillera le
monde arabo-musulman, j’estime que Mahmoud Ahmadinejad n’est
certainement pas celui qu’il faut suivre. Cet homme, adepte d’un
courant messianique qui entend accélérer l’arrivée
du « Mountadhar » sur terre, prépare le malheur de
son propre peuple et il n’est en rien le sauveur annoncé des
Palestiniens.
Oui, les nazis ont déporté et gazé les Juifs sans
distinction de sexe ou d’âge. Le dire, l’écrire, ce n’est
pas trahir les Palestiniens. Cela n’a rien à voir. C’est
simplement reconnaître une vérité historique, une
infamie incomparable même si d’autres génocides ont suivi
comme au Rwanda et, malheureusement aussi - il faudra y revenir - au
Darfour. A ceux qui seraient choqués par ce que je viens
d’écrire, je conseille de s’en remettre à la lecture.
Lire... Non pas des insanités que l’on trouve ici et là
sur tel ou tel complot juif mondial mais des ouvrages d’historiens tel
celui de Raul Hilberg (« la destruction des Juifs d’Europe
»). Il y a aussi la littérature, qui peut tout à
condition de l’entendre : « Si c’est un homme » de Primo
Levi ou encore « Histoire d’une vie » d’Aharon Appelfeld.
Lire ces romans, ce n’est pas tout comprendre, c’est juste
appréhender, capter quelques monceaux de ce que fut cette
tragédie imprescriptible.
C’est à dessein que je n’ai pas cité des auteurs et des
intellectuels équivoques qui sont avant tout des partisans
d’Israël et dont la bonne foi s’arrête au seuil des droits
des Palestiniens à disposer de leur terre. Ces gens-là
nient la part d’humanité des Palestiniens et ne sont plus que
des militants qui diabolisent tous ceux qui ne partagent pas leurs
idées, à commencer par les intellectuels arabes. Croiser
le fer avec eux - au sens du débat pacifique - est pourtant une
nécessité parce que c’est l’opinion publique mondiale
qu’il faut convaincre. C’est elle qui finira, tôt ou tard, par
sauver les Palestiniens. Mais cela ne veut certainement pas dire qu’il
faille s’acoquiner avec des salopards qui nient, minimisent ou
même banalisent la Shoah et qui profitent de la rancoeur arabe
à l’encontre d’Israël pour diffuser leur délire.
Il y a des amis qui n’en sont pas. En France, l’extrême droite,
qui tape sur les épaules des Arabes du Proche-Orient et qui -
preuve de l’incroyable confusion qui règne dans la classe
politique française - cherche à séduire les Beurs,
n’est pas l’amie des Palestiniens. C’est sa détestation profonde
des Juifs, son négationnisme masqué mais réel, qui
la pousse vers nous. Il faut en avoir conscience. Mais il n’y a pas que
l’extrême droite. Au bout de quelques années dans ce pays,
j’ai vite compris qu’il suffisait d’un rien, un coup de coude, un clin
d’oeil, pour que les vannes lâchent et que se déversent
les flots antisémites. Je peux porter un keffieh le jour de
l’enterrement d’Arafat, je peux écrire une chronique rageuse sur
les bombardements israéliens au Liban mais je refuse
d’être complice de cette engeance raciste qui s’est
précipitée à Téhéran, à
l’image de David Duke, l’ancien chef du Ku Klux Klan !
Je le répète, il y a des mains tendues auxquelles il ne
faut pas répondre à moins de souiller ses propres
convictions. Ni Dieudonné - qui a serré celle de Le Pen -
ni l’écrivain Marc-Edouard Nabe - pour qui un Beur qui n’a pas
recours à la violence est un « collabeur » - ni
encore l’essayiste Alain Soral (qui vient de rejoindre le Front
national) ne sont les amis des Palestiniens ou des Libanais. Ils
peuvent critiquer Israël et les Juifs autant qu’ils le souhaitent:
ils n’ont pas à faire partie de notre famille.
Article paru dans l'édition du 05.12.06
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