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Activités
Réponse de Marie-George Buffet
aux questions posées par
UAVJ aux candidats à
l’élection présidentielle 2007
reçue
le 30 mars 2007
Monsieur,
J'ai bien reçu votre lettre et le questionnaire d'UAVJ et je
vous en remercie.
Je souhaite tout d'abord vous confirmer mon accord avec l'esprit et le
contenu de votre manifeste qui converge avec les options que je propose
dans cette campagne présidentielle et dont j'ai eu l'occasion,
dans un passé pas trop éloigné, de faire
état devant votre association.
C'est avec plaisir que je souhaite répondre à vos
questions.
- Je condamne, vous le savez, avec la plus grande force, les
propos antisémites du Président iranien Ahmadinejad,
ainsi que ses appels à la destruction de l'Etat d'Israël.
Nous constatons que l'attitude du Président Ahmadinejad ne fait
pas l'unanimité au sein du pouvoir iranien. L'indignation et les
protestations qui se sont multipliées sur le plan international
y sont probablement pour quelque chose. Je pense donc qu'une expression
claire et vigilante reste nécessaire de façon permanente
pour réaffirmer le caractère inacceptable du
révisionnisme et du racisme.
Je pense qu'il faut attacher de l'importance à l'existence de
forces réellement démocratiques en Iran. Ces forces
progressistes et laïques qui agissent en faveur du respect des
libertés, des droits de l'homme et d'un Etat de droit,
mènent leur combat dans un contexte répressif
particulièrement dur. Leur influence est limitée. Le
soutien qu'on peut leur apporter en est d'autant plus
nécessaire. D'autant que des luttes, des mouvements sociaux, des
critiques plus ouvertes montrent que des choses peuvent bouger en Iran.
Les sanctions appliquées contre le régime des Mollahs ne
semblent pas correspondre aux nécessités. Je ne suis pas
opposée aux sanctions par principe mais je constate que
celles-ci ne sont guère efficaces. Elles semblent plutôt
inappropriées. L'Iran manifeste aujourd'hui l'ambition de
devenir une puissance régionale et elle en cherche les moyens
sur les plans politique, militaire, scientifique... Les sanctions ne
freinent pas cette ambition. Elles attisent les tensions.
Comment faire pour que cette émergence iranienne puisse
être positive pour la paix et la sécurité, et pour
le peuple iranien, pour ses aspirations à la démocratie,
au développement dans toutes ses dimensions? La plus grande
fermeté dans l'attitude de la France et des Européens
vis-à-vis du régime de Téhéran ne doit pas
empêcher, au contraire, le dialogue et la négociation. Il
faut amener l'Iran à une vraie négociation sur le
nucléaire et sur les problèmes régionaux. Il faut
aussi que, dans la nouvelle situation ouverte par la Conférence
de Bagdad, l'administration américaine parle directement avec
Téhéran.Ce ne sont ni le mépris ni les menaces qui
peuvent apporter les solutions.
Je souhaite évidemment souligner mon opposition totale à
une nouvelle aventure militaire américaine cette fois-ci contre
l'Iran. A la fois par principe et parce qu'une telle action aurait
inévitablement des conséquences redoutables pour la paix
et la sécurité internationale. Je crois qu'il faut
rappeler avec force les leçons dont est porteuse la
tragédie irakienne, et les risques qu'on encoure à
poursuivre dans la même voie. Le travail diplomatique à
effectuer est à la fois lourd et de longue haleine. Il peut
être décisif. Je suis convaincue aussi que cette question
majeure ne peut rester le domaine réservé des
chancelleries. Les opinions publiques française et
européenne doivent s'en mêler. S'il faut manifester et
mobiliser contre la guerre et pour la démocratie, comme nous
l'avons fait concernant l'Irak, je suis prête à
l'encourager.
Je suis en effet persuadée qu'il est indispensable d'attacher la
plus grande attention aux évolutions de la situation au
Moyen-Orient. Dans cette immense région instable et complexe,
les crises et les conflits ne se juxtaposent pas. Ils se cumulent. Les
dangers sont énormes. On ne peut jouer avec le feu sans prendre
des risques avec la paix elle-même.
C'est dans cet esprit qu'il faut essayer de trouver une solution en ce
qui concerne le nucléaire. L'Iran a le droit d'accéder au
nucléaire civil. Le Traité de Non Prolifération
(TNP) lui ouvre légalement cette possibilité. Mais l'Iran
ne peut et ne doit pas accéder à la maîtrise du
nucléaire militaire en fonction du même traité. Et
le Moyen-Orient doit éviter tout ce qui peut
accélérer une course aux armements
déstabilisatrice.
Si le respect du TNP est une exigence pour l'Iran, il en est une aussi
pour tous ses signataires, y compris les 5 membres permanents du
Conseil de Sécurité qui disposent de l'arme
nucléaire. Il ne peut y avoir deux poids deux mesures. La France
et les autres Etats concernés doivent respecter l'esprit du TNP
et son article 6 qui appellent à un désarmement
multilatéral et contrôlé. Les autorités
françaises doivent pousser à un processus de
désarmement collectif.
Le désarmement nucléaire, cependant, n'est pas qu'une
affaire liée au respect du TNP, même si ce traité
devrait être renforcé. Le désarmement est une
responsabilité collective. Israël, l'Inde et le Pakistan
doivent eux aussi s'y engager. Comment y parvenir sinon en favorisant
la baisse des tensions régionales et internationales et la
résolution des conflits?
- Je crois donc indispensable d'aller vers ce que vous
appelez un traité de paix entre tous les peuples et pays de la
région, incluant le non recours à la force.
Je propose la convocation d'une Conférence internationale sous
l'égide de l'ONU pour un règlement définitif du
conflit israélo-palestinien qui reste au coeur des
problèmes, à la racine des crises et de ce que l'on
appelle le « choc des civilisations ».
Résoudre ce conflit conformément aux résolutions
des Nations Unies sur la base d'une solution en deux Etats souverains
vivant côte à côte en sécurité et en
coopération me semble un objectif essentiel et le seul qui
puisse apporter une issue durable et juste.
Je reste particulièrement attentive à cette question
centrale des relations internationales. On mesurera plus tard le
degré de responsabilité des uns et des autres à
l'effort entrepris pour parvenir à un règlement de ce
conflit qui soulève depuis tant d'années tant de
questions éthiques et politiques majeures.
- Vous avez raison de souligner des résurgences
d'antisémitisme dans le vocabulaire et dans les actes
politiques. Parfois il s'agit de bien davantage que de simples
« résurgences »: de véritables
provocations quand ce n'est pas l'instrumentalisation politicienne de
thématiques racistes.
Je suis persuadée qu'il faut attacher une grande importance
à ces différentes façons de « faire
passer » l'antisémitisme et le racisme, de les
« banaliser » pour les faire accepter comme une
dimension qui serait « normale » du débat
politique.
Je pense que cela appelle, précisément, la plus grande
vigilance. Ne jamais rien laisser passer doit être la
règle. En la matière, il n'y a rien qui puisse être
tolérable ou acceptable.
Les pouvoirs publics ont leur propre responsabilité. La lutte
contre l'antisémitisme et le racisme doit irriguer l'expression
et l'action officielles chaque fois que nécessaire, y compris de
façon répressive lorsque cela s'impose.
Le devoir d'alerte, de condamnation et de riposte, y compris sur le
plan judiciaire, concerne toutes les institutions, y compris les
médias et le Parlement mais aussi chacun(e) d'entre nous.
Je crois aussi dans la valeur des leçons de l'histoire et dans
la force de l'éducation. Il convient probablement de regarder
nos programmes et notre système éducatif, en fonction des
valeurs qui sont celles de notre civilisation et, plus près de
nous, celles de notre République.
La lutte contre l'antisémitisme est un combat de tous les jours
que l'on ne peut pas non plus séparer de la crise qui
détruit les rapports sociaux et rend notre société
plus vulnérable encore devant la pression des forces qui se
nourrissent du rejet et de la stigmatisation raciste de l'autre. La
France a vraiment besoin d'une autre politique.
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