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Toute société réprouve la violence

Novembre 2005


Elle bâtit des règles, des lois pour s’en préserver autant que possible. Le refus de toute violence construit également notre éthique, notre idéal pour demain, notre engagement pour aujourd’hui.

Notre idéal ne doit pas nous aveugler, nous donner une posture de rejet, nous priver d’une analyse du processus. Faute de comprendre et d’agir sur les causes, nous condamnerions l’avenir à des violences renouvelées.

Les événements de banlieue qui se déroulent ces derniers jours, et que nous espérons pacifiés rapidement et sans terribles drames, nous imposent une réflexion exigeante et de bâtir des perspectives. Notre réflexion sera profondément différente selon que nous adoptions la vision d’une explosion marginalisée et portée, pêle-mêle, par des délinquants, des islamistes, des ados et des trafiquants. Si nous voyons une poignée de déviants refusant notre société pas si mauvaise que cela, ouverte, laïque, démocratique… Ou au contraire, si nous percevons dans l’ampleur du phénomène (300 villes, des groupes de centaines de jeunes s’affrontant aux forces de l’ordre, deux mille interpellations, l’usage de réservistes pour les forces de l’ordre, le besoin d’hélicoptères, de lois d’exceptions…) Ces dimensions ne plaident-elles pas pour que la loi ne soit pas seule exceptionnelle, mais la profondeur sociale également ? Ce sera notre parti pris.

Ce sont nos enfants qui se laissent porter à ces actes que nous réprouvons, que nous redoutons. Ensemble, nous avons la responsabilité de leur construire un autre avenir, une autre façon de vivre et d’espérer. Nous sommes collectivement leurs parents.

Dans notre approche, nous avons déjà à prendre la mesure de ce qui se joue pour l’avenir. Nous assistons à un bouleversement sociétal. Ces jours vont demeurer dans les consciences des cités. Ils constituent une preuve de force potentielle. Alors que la grève ou le vote sont frappés d’inefficacité par un pouvoir dédaigneux, la révolte urbaine risque de prendre rang en expression légitimée. On ne parle des cités que lorsqu’elles brutalisent le quotidien aseptisé, comme on ne parle de la misère qu’en moment de grands froids où risquent de traîner des corps congelés. On oublie tout cela après. Très vite.

Pour que ne s’instaure pas ce recul destructeur de la vie politique, nous avons à bâtir des rencontres, du commun, de l’espoir partagé, de l’action au quotidien. En proximité, du local au mondial…

Un dangereux et honteux discours se propage : « beaucoup aurait déjà été fait pour les banlieues ». Mais ce serait vraiment « compliqué », « on ne les comprend pas », malgré tous « nos efforts »… Bref, ce serait de leur faute, la preuve : « certains réussissent », et nous allons « encore » faire plus en aidant une poignée de plus… A ne pas comprendre pourquoi il y a plus d’émeutier que de jeunes de quartiers en grandes écoles de commerce ! Vraiment, c’est incompréhensible.

Nous sommes parvenus à une telle fracture de notre société que le quotidien de deux mondes s’ignorent. Ne s’entend plus et ne savent ce qu’est une vie d’expédients. Ce que représente d’avancer au jour le jour avec le sentiment que demain sera pareillement bouché, de se sentir dédaigné dans son être comme travailleur, comme individu ayant ses quelques différences. Les valeurs de la société mondialisée, libéralisée ne se partagent pas. Elles sont l’apanage de la société « d’en haut ». Bien sûr, la vie n’est pas seulement dure. Elle a ses fêtes et ses joies. Cela ne peut suffire et camoufler la privation du statut social absolument nécessaire en nos sociétés modernes. Notre société libérale, en brisant tout ce qui est susceptible de faire solidarité ou sérénité, devient une usine à violence !

Face à cela, nous avons à poser les questions d’avenir. L’avancée inconsidérée de notre société ne dérègle pas seulement le climat, elle ne menace pas seulement notre planète. Son aveuglement génère les conflits « entre civilisations choquées », entre groupes nationaux, mais aussi des morcelisations antagonistes dans chaque pays. Ouvrir une autre perspective relève du champ politique, de l’action volontaire des femmes et des hommes ayant la conscience de la nécessité de penser notre collectif humain.

Dans ce champ, nous avons une trop longue tradition à nous restreindre aux questions de répartition des richesses, voir au fonctionnement économique. Pour importante, voire essentielle, que représentent ces aspects, ils ne représentent pas la question sociale en son ensemble. Faire relever de ces seules avancées la solution de tous les maux et l’unique objet de notre intervention, constitue une illusion nous condamnant à être inopérant.

Trois questions me paraissent devoir faire l’objet d’un approfondissement pour nous positionner en capacité d’ouvrir des perspectives, un dialogue, un objectif partagé.

- L’unique position marquante prise par le gouvernement concerne l’appel aux associations. Celles-ci se voient reconnaître un statut majeur dans la réponse aux crises des banlieues. Véritable révolution pour le libéralisme ! Avancée importante pour l’opinion publique. Demeure que cette présentation miraculeuse de l’effet associatif ne peut nous satisfaire. L’intervention de terrain en montre les avantages et les contradictions. Quel rapport doit être tissé avec le service public ? Quelles missions doivent leur revenir ?
- Cette crise sociale montre la défaillance de la vie commune dans les villes. La question du « vivre ensemble » se trouve posée. Au-delà des questions techniques d’urbanisme et de béton, la façon de vivre, de partager l’espace urbain, d’établir des règles communes de bons voisinages, de se rencontrer et débattre, bref, la civilité moderne doit faire l’objet d’une action volontaire, d’une intervention publique. L’abandonner à la « main aveugle des marchés » ou « à la justice sociale » n’est plus de mise.
- Nous vivons un éclatement des traditionnels repères nationaux pour rassembler, faire du « un », du ensemble. Pour le meilleur et pour le pire. émergent de nouvelles exigences de citoyenneté de résidence, de reconnaissances de diversités de langues, de pratiques religieuses, de diversifications des comportements… Ces progrès des possibles individuels bouleversent notre construction de l’espace commun. Pourtant nous partageons nécessairement un lieu, une ville. Nous avons à nous y côtoyer sereinement. Nous avons à construire consciemment nos règles. En notre siècle rien ne justifie de s’en remettre au hasard. Cela constitue un enjeu politique, de débats toujours renouvelés. L’idéal « nation » comme particularités dans l’appartenance à l’humanité mondiale est à remettre en chantier.

D’importantes échéances du débat politique se profilent à grands pas. Des forums d’élaborations s’échafaudent pour bâtir les propositions alternatives au dictat capitaliste. Nous pourrions ensemble participer de ce mouvement sur ce thème précis et différent. Ce document n’a d’autre fonction que de contribuer à cette élaboration collective.

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Serge Grossvak
Directeur de Centre Social, Conseiller Municipal, membre du Pcf (95)



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Mise à jour : 15.11.2005
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