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Diversité politique des Français juifs


L'histoire politique des Français juifs a été marquée de façon contradictoire, depuis la fin de la guerre mondiale, par les leçons de solidarité, d'universalité des droits de l'homme, héritées de la lutte contre le nazisme, d'une part, et d'autre part par des logiques régressives, communautaristes. Au fil des ans, la vocation démocratique, par exemple, du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), héritée de la Résistance, centrée essentiellement sur les Juifs de France a fait place à une focalisation sur Israël et sa sécurité. Sensibles au destin d'Israël parfois par des liens familiaux, par une communauté d'héritage historique, tout  un secteur de l'opinion juive de France a été soumis à une  propagande qui a visé et vise toujours à accréditer dans l'opinion des Juifs comme des non-Juifs l'idée d'une communauté étroite de vue et d'intérêts entre gouvernement d' Israël, Israéliens et Juifs de tous pays.

L' orientation du CRIF a pris un tour radical lorsque la droite juive du Likoud-France en a pris la direction, alors que l'assassinat de Rabin, le sabotage des accords d'Oslo, l'échec des négociations de Taba, amenait la droite et  l'extrême droite israéliennes au pouvoir en Israël. Après la provocation de M. Sharon sur l'esplanade des mosquées, et le déclenchement de la deuxième Intifada, la violence armée s'abattait sur la Palestine, les équipements collectifs étaient  bombardés, les administrations détruites, les assassinats extra-judiciaires de responsables palestiniens érigés en nouvelle légitimité, le président palestinien démocratiquement élu  contraint à  une survie précaire dans les ruines de la Mouqata assiégée. Pourtant, appuyé par une poignée d'intellectuels médiatiques relayant une remarquable stratégie de communication, les dirigeants du CRIF, prenant argument des révoltantes campagnes terroristes visant des civils en Israël,  convainquaient la France entière que les Juifs de France étaient soudés derrière M. Sharon.

Or, la réalité est toute autre. Diverse dans sa composition sociologique, dans ses origines géographiques et historiques, la population juive de France est aussi diverse politiquement que la population française dans son ensemble.
Si le CRIF peut revendiquer la représentation d'un tiers des Français juifs, il n'est lui même pas monolithique. Il est vrai que sa fraction de gauche a du mal à se faire entendre, et c'est bien dommage. Mais surtout, la majorité des Français juifs n'éprouve pas le besoin de vivre sa judéité de façon publique ou communautaire. A l'aise dans la République, elle participe à la vie sociale, culturelle, associative, politique, syndicale, en considérant l"héritage juif, avec sa richesse culturelle et  son histoire jalonnée de discriminations et de massacres, comme une affaire privée. Pour une fraction importante, la leçon tirée du génocide est un attachement viscéral à la démocratie, aux acquis de la civilisation que sont la Déclaration universelle des droits de l'homme, ou la Charte des Nations Unies.
Il existe parmi les Français juifs un courant politique probablement majoritaire pour lequel aucune solution pacifique durable au conflit du proche orient n'existe pour Israël sans la reconnaissance des droits nationaux palestiniens.  En rupture, n'en déplaise au CRIF, avec la politique de développement des colonies et d'annexion de fait de Jerusalem Est que menait M. Sharon avant sa disparition de la scène politique.

Plus encore que d'autres démocrates indignés par le soutien accordé par le CRIF à la politique de M. Sharon, de très nombreux Français juifs ont été blessés, niés dans leurs convictions les plus chères par l'image  qu' on a voulu donner d'eux, malgré eux. Ils ont perçus aussi, à travers la désapprobation qu'inspirait à l'opinion l'attitude du CRIF,  le jeu pervers  d'un antisémitisme apparemment dédouané, et d'une dénonciation  de toute critique d'Israël comme antisémite.

Dans la dernière période, des organisations juives progressistes, issues de la Résistance comme l'UJRE, se sont manifestées davantage. D'autres, comme RPJ, ont fortement critiqué Sharon. D'autres se sont créées. En quelques mois, en 2003, un manifeste, Une autre voix juive, récoltait plus de mille signatures de Français juifs ou d'origine juive qui déclaraient, entre autres"« …Nous n’autorisons ni l’État d’Israël, ni les institutions qui, en France, prétendent représenter les citoyens juifs, à parler en leur  nom... Il n’y a paix et avenir pour le peuple israélien que dans une coexistence pacifique et loyale avec le peuple palestinien. Nous soutenons tous ceux qui, en Israël, en Palestine et ailleurs, œuvrent ... pour la paix, pour la justice, pour l’égalité des droits, contre la politique criminelle de M. Sharon.». (Le texte complet du manifeste est consultable sur <http://uavj.free.fr>).

Certes, l’évacuation de Gaza, malgré sa mise en oeuvre unilatérale, a été très majoritairement considérée par l’opinion de gauche, juive ou non, comme un progrès.  C’était aussi l’opinion de forces pacifistes en Israël et des dirigeants palestiniens. Cette évacuation a eu le mérite de montrer qu'il était possible d'évacuer des colonies: elle a brisé un tabou.

Nombreux sont ceux, toutefois, qui se souviennent que cette politique, marquée par le refus de toute négociation avec le côté palestinien,  fut le pare-feu imaginé par M.Sharon pour contrer le développement du soutien populaire, en Israël, en Palestine, et en France, à l’initiative de Genève. Pare-feu dont le collaborateur de Sharon, Dov Weissglas, disait, sans être contredit, qu’il avait pour but d’enterrer la feuille de route et de pérenniser l’occupation de la Cisjordanie.
Un grand nombre de  Français juifs, après un moment d’attente et d’interrogation devant les conséquences de l’évacuation de Gaza, pensent que la poursuite de la construction du mur d’annexion, des initiatives militaires et politiques israéliennes  à Gaza, pour affaiblir l’Autorité palestinienne, la  poursuite de la colonisation de la Cisjordanie et de Jerusalem Est n’ont qu’un but: retarder une solution négociée, et l’avènement d’un Etat palestinien viable, priver  le peuple palestinien, le plus longtemps possible, de ses droits nationaux.

Beaucoup de nos compatriotes juifs sont bien plus lucides et bien plus démocrates que ne le prétend la direction actuelle du CRIF. Ils pensent que cette politique, qui fut celle de M. Sharon, n’apportera, si elle perdure sans lui, que larmes, sang et souffrances aux deux peuples. Elle ne fera que fournir du grain à moudre aux antisémites du  monde entier. Dans un monde ou les vieux démons ne dorment que d’un œil, il est important que  chacun reconnaisse  la diversité d’opinion des Français juifs.


Pour le collectif d'animation d'Une autre voix juive, le 23 janvier 2005
Pascal Lederer




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Mise à jour : 24.01.2006
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