UAVJ


Manifeste
Signataires Soutiens au manifeste Autres textes UAVJ Messages reçus Paix et  Proche-Orient
Culture


petite colombe


Une


Autre

Voix

Juive

Autres textes


Déclaration d'une Autre Voix Juive


UAVJ,  21-05-09

Une Autre Voix Juive a récemment débattu avec plusieurs organisations et associations du Collectif national «pour une paix juste et durable entre Israéliens et Palestiniens» sur la liste courriel de ce Collectif . Ces communications avaient pour but de proposer des mots d’ordre pour les manifestations envisagées à l’occasion de la venue d’Avigdor Lieberman en France. Il s’agissait de propositions motivées et non d’injonctions.
Une Autre Voix Juive s’étonne des réactions provoquées par ses propositions, et diffusées aux organisations du Collectif national. UAVJ veut penser que les propos désobligeants à son égard n’engagent que leurs auteurs, et non les organisations qu’ils représentent. C’est pourquoi une sérieuse mise au point semble nécessaire.
Depuis la parution de notre manifeste initial en 2003, manifeste signé entre autres par Stéphane Hessel, Raymond Aubrac, Pierre Vidal-Naquet et beaucoup d’autres, nous n’avons cessé d’en réitérer les principes fondamentaux.
Nous en citons un extrait :

 « Notre solidarité avec le peuple palestinien ne nous entraînera jamais à la moindre collusion avec ceux dont la sollicitude pour la Palestine n’a comme ressort que la haine des Juifs. Il reste que :
— Le peuple palestinien a des droits imprescriptibles sur une terre occupée aujourd’hui par les forces armées du plus surarmé des Etats du Proche-Orient ;
— Le peuple palestinien a le droit imprescriptible d’y fonder, dans les conditions garanties par la Charte des Nations unies, l’Etat de son choix ;
— Le peuple palestinien a des droits imprescriptibles sur la ville de Jérusalem, capitale à partager ;
— Le peuple palestinien a le droit de voir ses exilés et ses réfugiés choisir, dans des conditions à négocier, entre un retour viable sur la terre de leurs ancêtres et une juste indemnisation.
Tout ce qui s’oppose à la réalisation de ces droits nourrit la guerre sans fin, les atrocités, la haine. Parce que le siècle a connu l’effondrement de systèmes violemment oppressifs, nous croyons possible et nécessaire l’établissement d’une paix juste et durable au Proche-Orient.
Devant la montée des menaces intégristes, chauvines, communautaristes, racistes et antisémites, devant les ingérences anti-démocratiques de la droite israélienne dans la société française, nous voulons faire entendre, obstinément, la voix de Français juifs, ou d’origine juive, qui soutiennent les idéaux de démocratie, de liberté, d’universalité des droits humains et des droits des peuples. »

Si ces principes ont un sens, c’est là qu’il faut trouver les fondements d’ une « paix juste et durable ». UAVJ est pour sa part fidèle à la Charte et aux principes qui doivent régir l’activité du Collectif national pour une paix juste et durable entre Israéliens et Palestiniens.
Naturellement, malgré son évidente représentativité dans l’opinion des citoyennes et citoyens français juifs progressistes, Une Autre Voix Juive n’entend pas imposer ses idées ni exiger qu’on reçoive son point de vue sans débat. Telle n’est cependant pas la question posée par les réactions qui motivent cette déclaration.


La question des mots d’ordre. A plusieurs reprises, lors des manifestations de soutien au peuple palestinien, victime à Gaza de l’agression israélienne, nous n’avons eu de cesse de faire valoir que ces manifestations devaient permettre le rassemblement le plus large des forces démocratiques qui réclament une paix juste et durable au Proche-Orient, et de demander que soit refusé tout mot d’ordre pouvant légitimer l’expression dans ses rangs de mouvements racistes et antisémites au prétexte d’un soutien au peuple palestinien.
La politique israélienne est légitimement condamnée par une large majorité de l’opinion publique française. Il faut s’en féliciter. Dans le même temps, il est aisé de constater que les manifestations récentes sont loin de mobiliser comme il le faudrait toutes les forces qui veulent que cesse l’horreur au Proche-Orient, et qui souhaitent y voir advenir « une paix juste et durable ».
 On peut et on doit à cet égard se poser la question de savoir si le message des manifestations récentes est d’une totale clarté.
Nous l’avons déjà dit et nous le répétons : condamner la politique israélienne, condamner comme racistes des lois discriminatoires fondées sur une conception ethnico-religieuse du fait national, en vigueur en Israël, soutenir ceux qui en Israël veulent les faire abroger est une chose. Faire de l’Etat hébreu en tant que tel un « Etat raciste », un « Etat d’apartheid » en est une autre. Ne pas voir la différence est de l’aveuglement ou de l’irresponsabilité.
Nous savons que, parmi les forces qui se rejoignent pour décider des actions à mener au sein du Collectif, il s’en trouve pour ne pas faire cette distinction. Nous savons que, parmi ces forces, les opinions et les convictions politiques sont diverses.
Mais les forces qui pour l’essentiel prennent l’Etat hébreu pour cible en tant que tel ne peuvent ni prétendre être la majorité des opinions représentées ni a fortiori prétendre exclure du débat un collectif d’opinion comme Une Autre Voix Juive sous le prétexte que ses idées seraient « dépassées ».


Sionisme-antisionisme. Les choses vont plus loin : à lire certaines réactions émanant de certains groupes actifs dans le Collectif national, Une Autre Voix Juive est disqualifiée parce que suspecte de « sionisme ». Nous condamnons sans réserve ce procédé. Rien dans nos publications ne légitime si peu que ce soit cette interprétation.
Parmi nos signataires, certains ont de la sympathie pour Israël, d’autre non, mais nos déclarations successives sont sans équivoque et ne permettent aucun procès de ce type, qui appartient à d’autres méthodes, des méthodes que nous combattons avec la dernière vigueur.
 Les insinuations sur le « sionisme » d’UAVJ recouvrent d’un voile pudique un autre débat que nous voulons sans hésitation ouvrir publiquement.

La création de l’Etat hébreu, dans les conditions laissées par les conséquences du génocide, s’est appuyée sur une idéologie et un projet politique appelés « sionisme » . Mais la déclaration d’indépendance de l’Etat d’Israël qui décida de son acceptation et de sa reconnaissance par l’ONU n’y fait pas référence.
On peut à bon droit combattre le sionisme comme idéologie et beaucoup de nos signataires, mais pas tous, sont convaincus de sa nocivité. L’important n’est pas là. Nos textes, nos prises de position répétées ne permettent d’aucune façon d’intenter un procès en sorcellerie : nos prises de position, toutes nos prises de position combattent une politique, celle menée aujourd’hui par le gouvernement actuel d’Israël . C’est en vérité se moquer de l’opinion progressiste que de prétendre que la politique que Itzhak Rabin a cherché à mettre en œuvre ne se distinguait pas de celle que veut mener le gouvernement israélien actuel. Disant cela, nous ne prêtons aucunement à Rabin des idées angéliques. Ce qui compte, c’est qu’il fut assassiné en Israël par les forces qui dominent aujourd’hui la politique israélienne.
La discussion relative au sionisme comme idéologie politique a son utilité. UAVJ combat l’idée que la condamnation du sionisme serait une forme d’antisémitisme. Menée dans le cadre de l’exigence intellectuelle, cette discussion ne peut que conduire en Israël à des remises en cause essentielles dont la dominante est progressiste. Lorsque Shlomo Sand, historien israélien progressiste, parle de « dé-sionisation nécessaire de la société israélienne », l’expression ne prête à aucune interprétation. De plus, cet auteur est un citoyen israélien et on conviendra qu’il lui appartient de prendre part de façon très directe à l’évolution politique de son pays.

Mais il s’agit en France, et dans la controverse actuelle, de tout autre chose : le mouvement populaire auquel Une Autre Voix Juive participe n’est pas un colloque savant. Les frontières entre celui-ci et celui-là n’ont pas à être (et ne sont pas) étanches. Mais la caractérisation de l’Etat d’Israël comme « Etat sioniste », le choix du « combat contre le sionisme » comme fondement de l’action politique pour la recherche d’une «paix juste et durable » a de toutes autres résonances qu’il ne sert à rien de vouloir dissimuler .
Après Gaza, il est clair pour chacune et chacun que les choses ne peuvent simplement continuer comme auparavant. Il y a donc plusieurs conclusions concevables. Une d’elles consiste à masquer un désespoir compréhensible par une radicalisation du verbe. Le désespoir ne constitue pas une perspective politique, de quelque vertu qu’il se pare.
Mais en outre, cette radicalisation du verbe entretient l’équivoque : « combattre le sionisme », caractériser Israël comme « Etat sioniste », c’est désigner possiblement « les Juifs » à la vindicte universelle. La prétendue radicalisation peut ainsi constituer un véhicule du bon vieil antisémitisme, ou d’une forme nouvelle de ce poison de la démocratie.

En effet, les gouvernements israéliens mettent depuis l’origine une particulière insistance à faire d’Israël le porte-voix et l’exclusif représentant de l’« opinion juive » dans le monde. Une Autre Voix Juive n’a cessé de dénoncer cette propagande, mais elle fait des ravages, dans l’opinion publique mondiale, juive ou non. Le « combat contre le sionisme » se fait l’écho direct, qu’on le veuille ou non, de la propagande israélienne actuelle. Soyons clairs : le syllogisme « Israël se veut le représentant des juifs dans le monde ; l’expression condensée de cette visée est l’idéologie sioniste ; or les Juifs sont attachés à l’existence d’Israël ; donc « les Juifs » sont sionistes », syllogisme fallacieux à tous égards et de surcroît implicite, se retourne inévitablement dans une équation plus simple.
A savoir : « combattre le sionisme, c’est combattre Israël », l’Etat davantage que sa politique, et finalement, « combattre le sionisme » conduit droit à la vindicte contre « les Juifs » partout dans le monde. Tout antisémite comprend ce discours et en fait ses délices. En outre, nos censeurs, apparemment ne veulent pas voir que leur thématique est exactement celle d’antisémites médiatiques notoires. Doit-on considérer cette expression comme conduisant à la « recherche d’une paix juste et durable » ?


Deux peuples, deux Etats. Dans le même état d’esprit que précédemment, c'est-à-dire le désespoir dissimulé sous la radicalisation du propos, on invente aujourd’hui la thèse selon laquelle le mot d’ordre « Deux Etats pour deux peuples » est dépassé. Cela ne peut en aucune façon constituer une contribution à la recherche d’ une « paix juste et durable ».
Une Autre Voix Juive n’a entendu aucune voix palestinienne autorisée (et notamment ni celle de Marwan Barghouti, ni celle de l’Autorité palestinienne) pour aller si peu que ce soit dans ce sens.
Evoquer, comme certains n’hésitent pas à le faire, un prétendu Etat plurinational, laïque et démocratique peut apparaître séduisant. Une Autre Voix Juive n’aurait aucune hésitation à soutenir ce point de vue si elle l’estimait juste, approprié, et de nature à favoriser la plus large mobilisation. Mais UAVJ considère que, quel que soit l’apport important de l’opinion publique progressiste mondiale à la réalisation d’ une «paix juste et durable », il s’agit d’une contribution qui ne peut sous aucun prétexte se substituer à l’expression légitime des représentants qualifiés des deux peuples concernés. Il n’incombe à aucune force politique agissant sur le sol français de décider de l’issue qui finira par prévaloir à horizon prévisible.
Shlomo Sand, par exemple, sceptique quant à l’expression « Deux Etats pour deux peuples » propose « Deux Etats pour deux sociétés ». C’est là une nuance, mais en aucun cas la reprise de l’idée selon laquelle « Deux pour Deux » serait « dépassée ».
Est-ce agir « pour une paix juste et durable au Proche-Orient » que de nous couper de l’expression des forces progressistes palestiniennes et israéliennes ? Est ce agir « pour une paix juste et durable au Proche-Orient » que de rejoindre dans l’expression, à défaut de l’intention, les forces des deux peuples les plus irréductiblement opposées à un règlement pacifique négocié ?

 En balayant d’un revers de main, de surcroît accompagné de considérations inacceptables, les arguments d’Une Autre Voix Juive, en soutenant des positions d’apparence radicale mais qui ne peuvent que rejoindre des thèses profondément critiquables, le Collectif national pour une paix juste et durable entre Israéliens et Palestiniens s’éloignerait durablement de son objectif proclamé. Une Autre Voix Juive veut espérer que cette voie sans issue ne sera pas suivie. Une Autre Voix Juive rappellera obstinément les valeurs sans lesquelles il n’y aura aucune contribution de l’opinion progressiste de France à la recherche d’une « paix juste et durable au Proche –Orient ».


UAVJ, le 21/05/2009




activités

liens

debat


Mise à jour : 22.05.2009
 | Qui sommes-nous? | Contact | Plan du site |Mentions légales |