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Une Autre Voix Juive |
Sujet à débat : Comment
Israël a tourné le dos au judaïsme Par
Salah Guemriche* « Maudit soit celui qui
déplace les bornes de son prochain ! Et
tout le peuple dira : Amen…»
(Dt 27.17-19 : Discours de
conclusion de Moïse). Chers
« colons de bonne volonté », Cela
fait longtemps que je voulais vous écrire, à vous que l’on
installe, chaque jour plus nombreux, sur les terres d’autrui. Vous
arrivez avec
vos certitudes et votre inébranlable conviction de la Promesse
accomplie. Et
pourtant, tôt ou tard, vous réaliserez que vos dirigeants, tous partis
confondus, vous ont menti et continuent de vous mentir, et qu’en fait
de
« lait » et de « miel », cette terre ne promettra
que
plaies et fiel, tant que l’arbitraire et l’injustice y règneront. Dans
cette lettre, il ne sera pas plus question d’amour du
prochain que de votre amour d’Israël (Ahavat
Israël), mais de justice, oui. Or, s’il est vrai que « Justice est le terme que le judaïsme
préfère à des termes évocateurs de
sentiment » (E. Levinas, Difficile
liberté), il faut alors croire que l’Etat
d’Israël lui-même a tourné le dos au judaïsme… Je
me passerai donc de tout « terme évocateur de
sentiment », pour vous dire crûment ma conviction, que m’inspire
l’histoire de ceux qu’Albert Memmi appelait les « colons de bonne
volonté ». Oui, tôt ou tard, vous serez amenés à abandonner ces
terres, rapatriés
de gré ou de force, et la terrible injonction (« la
valise ou le cercueil ») que connurent les plus démunis parmi
les Français d’Algérie, vous l’entendrez non pas de la bouche d’un
Palestinien ni
de quelque parodique OAS, mais de la bouche même d’un Netanyahu ou de
l’un de
ses successeurs ! Rapatriés,
oui. Vers cette parcelle de terre décrétée « sans
peuple » et que la « Communauté internationale », rongée
de
culpabilité, avait octroyée au « peuple sans terre », comme
pour « adapter l’Histoire au dogme »
(A. Lods, Les prophètes d’Israël et les débuts du
judaïsme) et se faire ainsi l’exécuteur universel de cet Ancien
Testament
que « nul, en-dehors des Hébreux, n’était
obligé d’admettre » (B.
Spinoza, Traité théologico-politique) :
« Vous
ne suivrez pas les lois des nations que je
chasse devant vous (…) car je les ai prises en dégoût. Vous
prendrez possession de leur sol, je vous en donnerai moi-même la
possession, une terre qui ruisselle de lait et de
miel. C’est moi Yahvé votre Dieu qui vous ai mis à part de
ces
peuples » (Lv 20.
23-24). Seulement,
en
acceptant de « déplacer les bornes de (votre) prochain »,
vous voilà
vous-mêmes, et à votre insu, « mis à part », mais à part
d’Israël
même, puisque l’on vous installe hors de l’Etat, proprement dit,
d’Israël, et
donc en marge de votre propre peuple ! Et vous ne vous rendez même
pas
compte que votre transplantation est faite pour servir avant tout les
intérêts
de cette caste de dirigeants véreux et machiavéliques, qui savent
pourtant que
leur temps d’impunité est historiquement compté, y compris de
l’intérieur même
d’Israël. Tout comme est compté, oui, votre « temps béni des
colonies ». Car vous avez beau chasser les Palestiniens de leurs
terres,
en suivant à la lettre vos saintes Ecritures : « Vous
chasserez devant vous tous les habitants du pays car c'est à vous
que je le donne (…) Si vous ne dépossédez pas à votre profit tous les
habitants, ceux que vous aurez épargnés seront comme des épines dans
vos yeux
et vous harcèleront sur le territoire que vous occuperez » (Nb, 35.
53-55),
les Palestiniens, spoliés, expatriés ou déportés depuis 1967 (pour ne
pas
remonter plus loin), finiront immanquablement par retrouver leurs
terres – non
pas comme des épines mais comme des branches : celles d’un autre Tronc d’olivier franc (saint Paul) – et
renouer enfin avec leurs racines. Alors,
permettez à un Algérien, né et grandi « dans » la
colonisation, de vous dire comment il voit la suite des
« événements » : sur cette terre où devaient couler
« le
lait et de miel », vous vous retrouverez tôt ou tard, et du jour
au
lendemain, « Gros-Jean comme devant »,
telle la Laitière de la fable… Et de cela vos dirigeants sont
parfaitement conscients,
qui se servent de vous, et vous utilisent comme boucs… missionnaires.
Car, sans
le savoir, vous êtes en mission, et sur un front d’un autre type. Une
mission
devenue la « marque de fabrique » de vos gouvernants, et qui
consiste
à occuper chaque jour plus de terres, à déplacer chaque jour un peu
plus les
« bornes de son prochain », afin que toute négociation à
venir ne
porte que sur les récentes acquisitions et non plus sur les anciennes.
Ce n’est
ni plus ni moins qu’un expansionnisme pervers, fondé sur une politique
perverse
du fait accompli… Cela leur a très bien réussi. Du moins,
jusque-là. Mais
vous, chers Israéliens de Palestine (comme on disait
« Français d’Algérie », oui), qu’avez-vous donc fait du cri
de
Rabin vous rappelant, depuis Oslo, que « la Bible
n’est ni un cadastre ni un titre de propriété ! » ? Vous
êtes-vous seulement demandé
pourquoi, chaque fois qu’une nouvelle
négociation leur est imposée (par l’allié « états-unien »),
vos
dirigeants se remettent aussitôt à détruire et à coloniser à tour de
bras,
comme si la reprise d’une négociation se devait d’être accompagnée
d’une
reprise de la colonisation ? Vieille stratégie, qui montre qu’au
fond
d’eux-mêmes vos stratèges-en-chef ne veulent pas vraiment de la paix,
et
travaillent non pas pour mais contre le mieux-être de leur propre
peuple. En somme,
avec de tels stratèges, et je le souligne pour la énième fois, le
particularisme d’Israël n’est plus dans « l’élection », ni
même dans
l’impunité effarante et sans précédent dont il bénéficie (plus de 60
résolutions de l’Onu complètement ignorées !), mais avant tout
dans
l’adversité, dans le besoin d’adversité : on peut vouloir
obstinément la
paix, et au moment où elle menace de se réaliser, tout faire
pour la
saboter ; quitte à reprendre aussitôt son rituel de négociations et de
faux
compromis, en attendant la prochaine colonisation, ou la prochaine
provocation,
que l’on suscitera au besoin, et
ainsi de suite... Ce
n’est pas à vous, ô Enfants d’Israël, que je vais apprendre la logique
martiale qui a fait de votre valeureuse « Armée de défense »
une
armée d’occupation, et qui guide ses « féroces soldats »,
chargés de
pilonner des objectifs civils, au prétexte de faire taire les
roquettes, afin
de faire main basse sur de nouvelles terres ! Oui, je persiste et
signe
(et au diable tout chantage à l’essentialisme !) : la
sécurisation,
objectif avancé à chaque opération, n’est qu’un argument-écran d’une
conduite fondatrice
dont la logique est à chercher dans la conception vétérotestamentaire
de
l’ennemi. De l’ennemi par excellence, un ennemi sans âge : le
nommé
Amalek. C’est aussi ce pathologique besoin d’adversité qui pousse vos
dirigeants à déplacer toujours plus loin les « bornes du
prochain »,
avec, à l’esprit, le commandement suprême : « Tu
effaceras la
mémoire d’Amalek de dessous les cieux ! Ne l’oublie pas ! » (Dt
25.
19) ! Sauf
que, chers Israéliens de Palestine, vos dirigeants ont trop tiré
sur la corde, et que l’impunité, avec la complaisance de la
« Communauté
internationale », a des limites (les dernières décisions de l’UE,
si
timides soient-elles, vous le disent) : entre la légitimité d’un
« Foyer national juif » et la légitimation d’un Eretz
Israël, trop d’injustices et de forfaits ont déjà jalonné les
routes de cette terre « promise », promise aux uns et, pour
une bonne
part, prise aux autres… Oui, tôt ou tard, et à moins d’accepter une
nouvelle citoyenneté
dans le futur Etat palestinien, vous serez « invités » à
rentrer chez
vous, non pas en « Palestine Beituna »1, comme vous dites, mais en
« Israël, Beitucum », dirai-je. Et il
ne vous restera plus, en désespoir de cause, qu’à vous retourner contre
ceux-là
mêmes qui vous auront sciemment abusés, instrumentalisés, corrompus
jusque dans
vos us et coutumes : alors que votre généreuse loi du lèqet
autorise
l’étranger à glaner ce qui tombe des gerbes derrière
vos moissonneurs, vous, vous déplacez les bornes du
prochain pour aller carrément moissonner sur ses terres et sans même
lui
laisser les moyens de glaner, chez lui ! Pour
toutes ces raisons, oui, vous finirez, de gré ou de force, par
abandonner ces terres que vous occupez indûment, avec la bénédiction de
vos
stratèges – lesquels, le jour venu, se moqueront royalement de vos heurts et malheurs ! Et je ne doute
pas qu’il se trouvera parmi eux un De Gaulle fort inspiré pour vous
lancer, du
haut de quelque balcon de la Knesset, un « Je vous ai
compris ! » qui se révèlera encore plus
perfide et plus désastreux que l’original. Salah
Guemriche *
Ecrivain algérien. Parmi ses ouvrages : Dictionnaire
des mots français d’origine arabe (Seuil) ; Le
Christ s’est arrêté à Tizi-Ouzou
(Denoël) ; Feuilles de Ruth - Israël et
son prochain, d’après l’Ancien
Testament et autres textes juifs anciens et contemporains (eBook,
Amazon
2013). 1 Beituna,
« notre maison »,
« notre foyer », en hébreu comme arabe. Alors que « Beitucum », en arabe, pourrait
désigner « votre maison ». Pour réagir à ce texte : cliquez ici ou envoyer vos messages à : uneautrevoixjuive@gmail.com |
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Mise
à jour:03.06.2014
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