
Une
Autre
Voix
Juive
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Une Autre
Voix Juive (2004) :
(Une
première version de ce manifeste, avec les premiers signataires, est parue
le 6-7
avril 2003 dans le Monde, et le 7
avril 2003 dans l'Humanité.
Le texte ci-dessous,
légèrement remanié pour suivre l'actualité,
a été
publié dans le Monde, septembre 2004 :
Parce que nous ne
pouvons pas supporter l'horreur devenue quotidienne
au Proche-Orient.
Parce que quelques
institutions et quelques hommes publics monopolisent
abusivement l'expression des Français juifs.
Parce que nous
rassemble une certaine idée de l'humanité.
Parce que, devant les
répercussions en France du conflit du
Proche-Orient, la résurgence de l'extrême droite, et la
recrudescence d'actes antisémites, nous sommes amenés
à revendiquer publiquement la part juive de notre
identité
personnelle. Nous avons décidé de nous exprimer
collectivement.
Citoyennes
et citoyens de la
République française, nos conceptions philosophiques, nos
opinions politiques, nos références culturelles, nos
rapports à la religion sont divers.
Descendant-e-s de longues
lignées d’hommes et de femmes
persécutés, méprisés, bannis,
pourchassés depuis des siècles, nous luttons contre toute
forme de persécution, d’oppression, comme nombre de nos parents
l’ont fait avant nous.
Nous
sommes filles et fils de
cette République
française, qui, dès son origine, a accordé la
citoyenneté aux Juifs. Nous nous réclamons de ses
valeurs.
La position de chacune et chacun d’entre nous face à
l’héritage juif est diverse, mais le souvenir de
l’extermination,
la conviction qu’elle n’appartient à personne, qu’elle ne peut
justifier aucun nationalisme, nous font un devoir de parler comme nous
le faisons.
Certains
d’entre nous ont pour
Israël un attachement
particulier que d’autres ne partagent pas, d’autres récusent le
principe même du projet sioniste.
Nous
considérons cependant
tous que, né dans les
conditions historiques laissées par les ruines du fascisme
hitlérien, le peuple israélien a droit à un
État aux frontières sûres et reconnues, dans le
cadre des résolutions de l’ONU.
Mais
nous n’autorisons ni
l’État d’Israël, ni les
institutions qui, en France, prétendent représenter les
citoyens juifs, à parler en leur nom. Nous nous révoltons
contre l’oppression coloniale dont souffrent la Palestine et les
Palestiniens du fait du gouvernement d’Israël. Nous ne croyons pas
que l’on combatte l’antisémitisme en laissant les
Israéliens devenir un peuple d’oppresseurs. Il n’y a paix et
avenir pour le peuple israélien que dans une coexistence
pacifique et loyale avec le peuple palestinien. Nous soutenons tous
ceux
qui, en Israël, en Palestine et ailleurs, oeuvrent courageusement
pour la paix, pour la justice, pour l’égalité des droits,
contre la politique criminelle de M. Sharon.
Nous
constatons la montée
en puissance de
l’idéologie de l’extrême-droite israélienne au sein
de forces politiques françaises. De nombreux démocrates
(parmi lesquels de nombreux juifs), sont victimes d’intimidations : ils
se voient accusés d’antisémitisme, au seul motif qu’ils
combattent la politique menée par le gouvernement
israélien ou réclament le respect par Israël des
résolutions de l’ONU, des engagements pris à Oslo.
Que
cherche-t-on en pratiquant
ces amalgames? Que cherche-t-on
en multipliant les agressions verbales et les menaces physiques contre
ceux, Juifs ou non, qui exercent leur responsabilité de citoyens
en condamnant publiquement la politique israélienne actuelle ?
Que cherche-t-on en donnant au judaïsme confisqué un visage
repoussant ?
Nous
refusons le jeu de l’actuel
gouvernement israélien
qui, pour renforcer son potentiel d’expansion, cherche à
accroître l’immigration en Israël, et s’accommode des
résurgences de l’antisémitisme.
L’antisémitisme
d’aujourd’hui a certes ajouté
une dimension à l'abject en qualifiant les atrocités
nazies
de "détail de l’histoire". Mais certains d’entre nous pensent
qu’à l’inverse, soutenir qu’il n’y a d’autre crime contre
l’humanité que l’extermination des Juifs par les nazis, c’est
nourrir les sources même du négationisme ; nous ne
réclamons aucun privilège pour les Juifs en tant que
victimes : nous nous dressons contre toute oppression. La politique
israélienne actuelle n’a certes pas pour but
l’anéantissement physique du peuple palestinien, mais plusieurs
d’entre nous se demandent si, prise dans son ensemble, ses inspirateurs
et ses exécutants ne relèveraient pas de la Cour
Pénale Internationale.
Les
violations
systématiques des Droits de l’Homme par
Israël, le non respect des résolutions des Nations Unies
rendent problématique l’application de l’accord d’association
UE/Israël. Depuis la parution de notre manifeste en avril 2003,
l’actualité n’a cessé d’en confirmer le
bien-fondé;
des éléments graves visant à créer
l’irréversible sont apparus, en même temps que des motifs
très fragiles d’espoir ; nous voulons appuyer les efforts qui
ont conduit au processus de Genève. Nous voulons contribuer
à créer un mouvement d’opinion capable d’imposer
l’arrêt de la politique criminelle de M. Sharon, maintenant
soutenue explicitement par l’actuel Président des Etats-Unis
d’Amérique. Tous deux violent en permanence le droit
international et mettent en péril le règlement
négocié des conflits entre Etats conformément
à la Charte des Nations Unies.
M.
Sharon et M. Bush se
comportent en croisés de la
lutte contre le terrorisme; mais leur politique alimente celui-ci en
permanence; les signataires D’UNE AUTRE VOIX JUIVE condamnent
toutes les forces qui au Proche-Orient entendent répondre
à la violence de la politique israélienne par des
attentats en Israël contre des civils sans défense. Les
organisateurs, les soutiens financiers et politiques de ces forces
doivent être pourchassés, traduits devant des tribunaux et
lourdement condamnés. Mais l’assassinat n’est ni une
réponse conforme au droit ni de nature à enrayer ces
crimes.
Il
faut priver ceux qui ne
reculent ni devant le sacrifice de
jeunes vies ni devant le recours aux formes d’action les plus
condamnables de tout soutien dans la population. Pour ce faire, il faut
négocier immédiatement et arrêter les actes qui
poussent au désespoir le peuple palestinien.
Nous
condamnons les campagnes
d’opinion visant à
présenter la France comme "un pays antisémite". Mais
cela ne saurait impliquer de notre part aucune forme d’indulgence
vis-à vis du racisme quelle qu’en soit la forme. Certains
développent un langage de haine et des actes racistes contre les
Français issus de l’immigration, en particulier d’origine arabe.
Des citoyens français ont peur parce qu’ils sont Juifs et parce
que, de nouveau, ils entendent et subissent des attaques
antisémites. Rien, et en particulier pas la politique
israélienne, ne saurait légitimer une forme quelconque de
vindicte contre les Juifs . La loi française fait du racisme et
de l’antisémitisme un crime. Nous souhaitons voir cette
loi appliquée avec la dernière rigueur, en
particulier contre ceux qui en sont les instigateurs, qu’on les trouve
dans les mouvements d’extrême droite, qu’ils se dissimulent
derrière le discours intégriste musulman, ou encore se
drapent dans le soutien au peuple palestinien en véhiculant la
haine des Juifs: le racisme et l’antisémitisme renouvellent
leurs faces grimaçantes mais leur but reste le même
qu’hier: la désintégration des institutions, des valeurs,
des fondements de la démocratie et de la citoyenneté.
Notre
solidarité avec le
peuple palestinien ne nous
entraînera jamais à la moindre collusion avec ceux dont la
sollicitude pour la Palestine n’a comme ressort que la haine des Juifs.
Nous condamnons les forces palestiniennes opposées à
l’existence d’Israël
Il
reste que :
-- le peuple palestinien a des droits imprescriptibles sur une
terre occupée aujourd’hui par les forces armées du plus
surarmé des Etats du Proche-Orient.
-- le peuple palestinien a le droit imprescriptible d’y
fonder, dans les conditions garanties par la Charte des Nations Unies,
l’Etat de son choix.
-- le peuple palestinien a des droits imprescriptibles sur la
ville de Jérusalem, capitale à partager.
--le peuple palestinien a le droit de voir ses exilés
et ses réfugiés choisir, dans des conditions à
négocier, entre un retour viable sur la terre de leurs
ancêtres et une juste indemnisation.
Tout
ce qui s’oppose à la
réalisation de ces
droits nourrit la guerre sans fin, les atrocités, la haine.
Le mur qui vise à parquer la population palestinienne,
à annexer de nouveaux territoires, et qui enferme la population
israélienne dans un ghetto doit être
démantelé.
Parce
que le siècle a
connu l’effondrement de
systèmes violemment oppressifs, nous croyons possible et
nécessaire l’établissement d’une paix juste et durable au
Proche-Orient, comme le prouve maintenant le processus inauguré
à Genève qu’il faut s’employer à conforter par
tous les moyens. La France mais aussi l’Union européenne doivent
s’y engager, en créant les conditions d’initiatives de paix et
en visant à mettre en oeuvre le déploiement d’une force
internationale
Méprisant
les campagnes de
tous ceux qui, peu ou prou
composent avec le chauvinisme, le communautarisme et qui
déploient d’immenses efforts pour nous faire taire, nous ferons
entendre, obstinément, la voix de Français juifs, ou
d’origine juive, qui soutiennent les idéaux de
démocratie, de liberté, d’universalité des droits
humains et des droits des peuples.
Pour signer (indiquez noms, prénom, e-mail et qualités) : uneautrevoixjuive2@gmail.com
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