Lettre
ouverte à M.le Président de la République
Olivier
Gebuhrer et Pascal Lederer
co-animateurs
d'Une Autre Voix Juive
Monsieur
le Président,
On
pouvait le craindre. Vous l’avez fait.
Ainsi
, au moment où nos compatriotes
disent avec force qu’ils et elles ne veulent pas revoir l’antisémitisme
frapper
en France, au moment où, partout en Europe poussent les croix gammées
et se
répand l’odeur de sang du « combat »
contre le « judéo -bolchevisme », vous ne
trouvez rien de
mieux que d'assimiler l’antisionisme à l'antisémitisme. C’est
inacceptable.
Vous
prenez soin de préciser qu’il n’est
pas question de faire de l’antisionisme un délit, comme c’est le cas de
l’antisémitisme. Comment dès lors assimiler une caractéristique
criminelle du
néo nazisme à une opinion politique? Cette dernière est certes confuse
mais n’a
pas à voir avec ce qui a provoqué la vague d’indignation que notre pays
vient
de vivre.
Le
vocable « antisionisme » sert
il est vrai, parfois, de paravent à un antisémitisme avéré. Il n’est pas malaisé de savoir distinguer.
Les faussaires se dévoilent facilement. Il convient de les combattre
par les
moyens appropriés.
Il
demeure que pour la grande majorité de
celles et ceux qui se déclarent « antisionistes », il s’agit du refus catégorique de cautionner
la politique israélienne et ses dirigeants entretiennent sciemment la
confusion. C'est le droit fondamental de
tout citoyen français, juif ou non, d'exprimer sa critique de la
politique du
gouvernement israélien, que ce dernier cherche à légitimer par le mot
générique
« sionisme ».
La
mise en cause, dans ces conditions, de
la liberté d’expression est un attentat contre la démocratie.
Vous
profitez de cette occasion pour
appuyer, sans le dire, la politique menée par un Etat qui viole
quotidiennement
les principes par lesquels l’ONU l’intégra dans l’ensemble des nations
civilisées; qui viole en permanence les valeurs dont se réclame l’Union
Européenne.
Nos
compatriotes, juifs ou non, ne veulent
pas voir renaître ce qui a conduit à la Collaboration, aux lois
d’exception
contre les juifs , à Vichy et sa milice, à Pétain et au déshonneur.
Mais ils et
elles ne veulent pas davantage qu’en leur nom on appuie en sous-main
une
politique qui attise une colère légitime. Ils ne veulent pas qu’en leur
nom, on
saccage les droits fondamentaux du peuple palestinien qui réclame sa
liberté et
le pouvoir de diriger son destin.
Monsieur
le Président, pour agir comme
vous l’envisagez, il faut recourir à une « définition »
improbable,
qui insulte, dans sa formulation même, les victimes du nazisme. Une
« définition » n’a pas besoin de codicille explicatif.
L’antisémitisme n’a pas comme « prolongement moderne »
l’antisionisme. L’Etat d’Israël n’a
aucun titre à se présenter comme porteur – sans leur accord – de la
représentation des citoyennes et citoyens juifs du monde, aujourd’hui
moins que
jamais .
Il
y a plus grave. Cette prétention
stimule l'antisémitisme : elle associe toute personne juive aux crimes colonialistes commis par un
gouvernement qui n'est pas le leur.
Monsieur
le Président, vous apportez votre concours
à ce
gouvernement étranger dont la politique indigne tout démocrate et en
particulier tout un courant d’opinion des Français juifs.
Survivants ou descendants de survivants du
génocide, ils ont droit au respect et à la protection de la République.
Vous
attentez à la liberté d'opinion, et, sous couvert de lutte contre
l'antisémitisme, vous vous en faites le complice.
Monsieur
le Président, Une Autre Voix Juive se
joindra aux forces
nombreuses qui protesteront contre cette dérive. Elles seront l’honneur
de
notre pays.
12 mars 2019
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