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sur antisémitisme, racisme, sionisme, antisionisme
DECLARATION D'UNE
AUTRE VOIX JUIVE
Une
Autre Voix Juive s’est déjà maintes
fois exprimée sur ces questions. Les nouveautés de la situation
politique –
notamment la déclaration du Président de la République au dîner du CRIF
imposent d’y revenir .
A)
Les
nouveautés de la situation politique :
Dans
un contexte radicalement nouveau où
non seulement on a pu voir des attentats et des assassinats de
compatriotes
juifs, parce qu’ils sont juifs, mais le retour en masse des
profanations de
cimetières juifs, de tags de boutiques juives avec des croix gammées,
comme
celui d'autres tags de même nature visant cette fois des devantures de
locaux
appartenant au PCF, la multiplication d’incidents antisémites, il est
impossible de céder à la banalisation qui se manifeste dans certaines
prises de
position .
Il
est devenu courant de chercher à
confondre en un tout indissociable des drames de masse ayant eu cours
dans le
développement de la civilisation et de caractériser cet ensemble du
seul mot de
« racisme ».
Tous
les racismes humilient, mutilent,
tuent et s'en prennent à la démocratie, nient la Charte de l'ONU et la
Déclaration des Droits de l'Homme. En témoigne encore, s'il le fallait,
le
massacre antisémite de la synagogue de
Pittsburgh et celui de musulmans dans
deux mosquées de Christchurch,
dans chaque cas par un néo-nazi.
On
entend parmi les forces qui combattent
les racismes affirmer que l'antisémitisme est un racisme comme un autre. Il en partage évidemment, certaines
caractéristiques essentielles.
Les
circonstances de l'éruption antisémite actuelle, imposent de souligner
les
aspects qui font de l'antisémitisme un objet singulier.
L'antisémitisme, les
racismes, tous propagés par l'extrême droite, s'appuient éventuellement
sur des
ressorts culturels et psychologiques différents. Les racismes flattent
un
sentiment de supériorité. Supériorité envers l'immigré, le pauvre, le
barbare
dont les coutumes nous menacent, dont la couleur de peau éventuelle
marque
qu'il provient de pays anciennement colonisés, etc.. L'antisémitisme,
lui,
excite à la fois les sentiments d'infériorité et de supériorité.
D'infériorité:
« les juifs » seraient riches, intelligents, ils
s'entraident, ils
sont proches du pouvoir quel qu’il soit, et toujours le pervertissent.
Mais
aussi de supériorité: « le juif » serait lâche, servile, peu
viril;
« les juifs se sont laissé massacrer comme des moutons ». A
cela
s’ajoute le fait qu’il n’existe ni race juive - ni race tout court - ni
peuple
juif . Laisser penser l’inverse est faire bon marché des expériences
monstrueuses des « médecins »
d’Auschwitz. Pour cette raison aussi, l’antisémitisme est singulier .
S'ajoutent
à ces traits des aspects
religieux: d'un côté un questionnement des croyants sur le "peuple
élu": à quel titre , les juifs? Par
ailleurs, chez les chrétiens, l'accusation de « peuple
déicide » a
servi de couverture à maints massacres.
Dans
le même temps, on voit bourgeonner
des thèses, qui sans nier complètement le rôle de l’extrême droite
néonazie en
France et dans l’Union Européenne, insistent sur un «nouvel
antisémitisme»
prétendu «de gauche», et souvent sur un antisémitisme propagé par
l’«islamisme
radical». Dans ce dernier cas, repris très souvent dans les médias, il
s’agit
de faire écho, par un vocabulaire trompeur, à une «menace islamiste»
visant la
«civilisation judéo-chrétienne», et du même coup de contribuer à
sanctuariser
la politique gouvernementale israélienne, supposée avant-poste de
ladite
«civilisation». Cet arsenal idéologique varié, dont chaque composante
est
activée à mesure des besoins, séparément ou ensemble, pollue
profondément le
débat politique indispensable dans notre pays. Que nombre de nos
compatriotes
juifs puissent, au-delà des perceptions
diverses rappelées plus haut, se sentir menacés dans
leur
existence, alors que l’opinion
puissamment majoritaire en France rejette l’antisémitisme, est une
inacceptable
et tragique réalité. C’est, à sa manière, le sens de la déclaration du
Président
de la République au dîner du CRIF. Elle débute par une dénonciation
nette de
l’antisémitisme pour immédiatement passer à autre chose dans un
amalgame et un
conglomérat redoutables. Ce sont toutes ces raisons qui amènent Une
Autre Voix
Juive à cette Déclaration.
B)
Antisémitisme
Ce
terme possède une acception classique
et compacte : elle condense la haine des juifs parce qu’ils sont
juifs, et
conduit à songer à légitimer leur élimination physique.
Véritable
hydre de Lerne dans les
représentations idéologiques et politiques, l’antisémitisme traverse
les
époques , les continents, en renouvelant sans cesse son accoutrement.
Ses
origines sont trop nombreuses et complexes pour qu’on puisse prétendre
en faire
le tour.
Sorte de legs testamentaire de la Première
Guerre Mondiale , l’épisode nazi a érigé de façon spectaculaire une
sorte de
colonne vertébrale du ressort de l’antisémitisme. Le nazisme fit d’un
«combat
contre le judéo-bolchévisme» l’alpha et l’oméga de ses horreurs. Il
s’adressa
de façon diabolique à deux dimensions qu’il conjugua constamment. D’une
part,
le capitalisme n’était pas dénoncé ni combattu comme tel, bien au
contraire,
mais le nazisme lui substituait la
dénonciation de la «ploutocratie juive». Dans le même temps, comme le
décrit Eric
Vuillard dans son livre "l'Ordre du Jour" (prix Goncourt 2016), les
grandes entreprises capitalistes allemandes financèrent l’accès
d'Hitler au
pouvoir. De cette dimension qui estompe, voire escamote la
responsabilité
première des dirigeants de ces firmes, en premier lieu Hjalmar Schacht,
banquier puissant qui écrivit le programme politique qui devait être
appliqué
par Hitler, on retrouve des traces bien visibles dans certains discours
complotistes. De l’autre, il visa la masse des citoyen-nes juifs et
juives
suspects d’importer des «théories désagrégatrices» d’un corps
social,
constitué selon les cas sur une base racialiste ou volkiste,
globalement
«sain». Tout antisémitisme, notamment en France, ne procède pas
directement de
cet assemblage mais il n’est pas difficile d’en écailler le vernis quel
qu’il
soit .
On
peut évidemment ajouter à ce qui
précède le rôle de longue durée de religions dominantes,
mais cet examen, utile, allongerait cet
exposé démesurément. La collaboration effrayante de la hiérarchie
catholique au
plus haut niveau pendant la seconde guerre mondiale, ne saurait
diminuer,
affaiblir le fait que les institutions de la collaboration, le
pétainisme, se
réclamèrent avant tout du «combat» nazi, bien davantage que de quelque
religion
que ce soit, toute notion morale étant supposée «enjuivée» .
Ce
rappel ne prétend pas à l’exhaustivité.
Il indique sans aucune équivoque que l’antisémitisme d’hier et
d’aujourd’hui
prend ses racines dans les obsessions criminelles de l’extrême droite.
Tout
courant d’extrême droite ne porte pas l’antisémitisme en bannière mais
tous
sans exception y sont réceptifs. Il ne peut y avoir d’antisémitisme «de
gauche». On doit en France à Jean Jaurès sur ce point une clarification
définitive au moment de l’Affaire Dreyfus, laquelle créa une
polarisation
politique sans aucune équivoque. Cette polarisation se poursuivit au
cours du
temps avec une intensité variable mais on n’aura garde d’oublier que,
dans la
panoplie idéologique nazie, il y avait la volonté simultanée d’effacer
complètement toute référence aux principes de la Révolution française
et des
«Lumières», Révolution française qui, au passage, fit
des juifs des citoyens à part entière(
« Aux juifs comme nation , la République ne donne rien , au juif
comme
citoyen , la République donne tout ») .
Venons-en
après ces rappels à la question
du concept global censé rendre compte par un terme générique des drames
d’ensemble de l’histoire humaine.
Est-il
seulement pensable, comme on le
rencontre, de faire de l’épisode nazi un simple point culminant de
l’antisémitisme, le « passage à l’ère industrielle », une
conséquence
mécanique de causes socio-économiques?
Une
telle « thèse » est
profondément révisionniste et, pour des motifs que nous examinerons
plus loin,
poursuit avec méthode des objectifs inavouables.
Le
massacre programmé des juifs d’Europe
est unique dans l’histoire de l’humanité. Il ne l’est pas seulement par
sa
programmation minutieuse au cours de la Conférence de Wannsee dont le
contenu,
maintenu secret absolu, ne fut révélé qu’à l’issue de la seconde guerre
mondiale. Il le fut aussi par sa mise en œuvre industrielle et par le
fait même
qu’il se produisit au sein d’une des nations les plus avancées
d’Europe. Il le
fut par le fait même que cette nation possédait un des plus riches
patrimoines
intellectuels de l’époque couvrant la plupart des domaines de la
pensée. Il le
fut au travers d’une brutalisation sans exemple de tout le corps social
empêchant par les moyens de la violence la plus extrême l’expression de
la moindre
opposition punissable de la peine de mort, par le degré absolu de
l’horreur qui
fut telle qu’elle se heurta à l’incrédulité, y compris celle des
troupes de
diverse origine nationale qui libérèrent les camps d’extermination.
Reconnaître
l’unicité de la monstruosité
nazie, son caractère indicible et inépuisable, en rappeler constamment
ses
ressorts – ce qui est loin d’être le cas dans les débats actuels --
n’équivaut
pas à prétendre que le génocide des juifs d’Europe est le seul dont il
faille
garder la mémoire. Les autres crimes
contre l’humanité (massacre des tribus amérindiennes, colonialisme, traite et esclavage des Noirs, les exactions
antichinoises, le martyre du peuple coréen sous occupation japonaise,
le
génocide des Arméniens, des Tsiganes, des Khmers, des Tutsis, des
Rohingyas, le
massacre des homosexuels et des malades mentaux , etc.),
ne sont pas en quelque sorte seconds et
placés sur une échelle de l’abomination qui est elle-même
insupportable. Unicité
n’est pas exclusivisme .
Le
refus de reconnaître l’unicité
historique de la tentative presque réussie par le nazisme de
l’extermination
systématique des juifs d’Europe conduit à en banaliser les possibles
retours.
Des exemples frappants de négationnisme ont été produits en France. Ils
ont été
condamnés. Mais l’hydre se reconstitue à la faveur des «oublis»
historiques et
des effacements coupables des causes de l’inimaginable .
Il
arrive que des courants situés à gauche
de l’échiquier politique pratiquent l’amalgame et voudraient que le
caractère
unique de l’antisémitisme soit abandonné au profit du racisme. Bien que
leurs
intentions soient louables et universalistes, Une Autre Voix Juive ne
les
rejoindra pas. Ni l'antisémitisme, ni les différentes formes de racisme
n’ont
vocation à demeurer partie intégrante de la condition humaine, mais
c’est nier
l’Histoire que de refuser de voir ce qui donne à l’antisémitisme son
caractère
unique. Toutes les manifestations récentes d’antisémitisme, sans aucune
exception, sont marquées du sceau du
nazisme et de ses symboles.
Des
crimes antisémites se sont produits
sans cette référence unificatrice, mais leurs auteurs, s’ils ne s’en
réclament
pas explicitement, font appel dans leurs actes à une idéologie appelée
de façon
trompeuse «islamisme radical», alors qu’il est notoire que l’Islam est étranger à pareilles conceptions, le judaïsme
étant religion reconnue comme l’une de celles appelées « religions du
Livre »
et respectée ou seulement tolérée comme telle
(ce point faisant l’objet
de
controverses académiques légitimes ) - et d’autre part que ces actes
constituent l’ombre portée d’un système dont l’apparentement fasciste
ne fait
aucun doute. On ne trouve rien dans l’histoire tourmentée du monde
musulman,
dans les périodes de faste comme dans celles du déclin,
qui ressemble de près ou de loin à ce qui se
donne pour « un retour à l’Islam ». Par contre, les exactions
monstrueuses, la volonté d’exercer le droit de vie et de mort sur toute
une
population, le recours systématique aux crimes de masse ont une seule
et unique
parenté; ce n’est pas dans l’Islam qu’on la trouve .
Ici
encore on reconnaît la volonté de ne
pas considérer les racines de corpus idéologiques communs à tout
fascisme.
Autre
chose est de reconnaître que les
représentations dans notre pays de la situation au Proche Orient n'ont
pas le
même impact sur les différents secteurs de l'opinion. Il s’y manifeste
des
sentiments « naturels » de solidarité tant chez une partie de
nos
compatriotes juifs vis-à-vis d’Israël que chez ceux de culture
musulmane avec
le peuple palestinien soumise au déni de ses droits fondamentaux par
une
occupation colonialiste se disant « juive » avant d’être
israélienne
. Il y a là, de par la brutalité et l'illégitimité de cette occupation
coloniale, un terreau fertile à des tentations de faire des
« juifs »
les responsables de cette situation intolérable. Les flambées de colère
et
d’indignation légitimes qui en résultent sont évidemment propices à la
dissémination de l’antisémitisme; elles coïncidaient jusque là avec les
paroxysmes
de violence israélienne. L’apparition de signatures néo nazies
récentes, les
assassinats se réclamant du nazisme et/ou du « suprémacisme »
n’ont
plus rien à voir avec le conflit et constituent un signal alarmant .
En
tout cas, l’action résolue de notre
pays au plus haut niveau comme celle de l’Union Européenne en faveur
d’une Paix
Juste , Durable et Négociée au Proche- Orient aurait d’évidence un
effet majeur
pour combattre l’antisémitisme d’où qu’il vienne et de quelque
déguisement
qu’il se pare .
Bien
que leur rôle politique soit
malheureusement important, nous laissons de côté les chrétiens
évangélistes
qui, aux USA aujourd’hui , constituent de véritables boute feux pour le
Proche
Orient. Inspirées de visions d’Apocalypse, leurs organisations
soutiennent à
bout de bras la politique israélienne en projetant une sorte de
«solution
finale». Au demeurant, elles sont influentes en Amérique latine et
soutiennent
les régimes de caractère fascisant comme récemment
au
Brésil. On l’a dit, le corpus commun à tout antisémitisme est limité et
reconnaissable .
C)
Sionisme
Les
origines de cette idéologie composite
sont généralement connues. Le «sionisme» en dehors du socle «Peuple
juif exilé
ayant le droit historique de revenir sur la Terre de ses ancêtres»
n’existe
pas. Sur ce socle hautement discutable, et anéanti par les travaux de
l'historien israélien Shlomo Sand, se sont construites diverses
variantes non
identifiables. L’une d’elle, du fasciste juif Jabotinsky, qui a cours
dans les
sphères gouvernementales actuelles d’Israël, n’en est une qu’avec
difficulté,
rejetée et condamnée par les premiers dirigeants israéliens, quelle que
soit
par ailleurs leur extrême complaisance à son égard, et leur
instrumentalisation
de ce courant à leurs propres fins. Parler aujourd’hui «du»
sionisme est
une aberration, et nombre de voix, en Israël même, le soulignent. Même
si,
comme c’est le cas d’Une Autre Voix Juive, on en rejette le socle
commun, il
est contraire à la vérité historique d’en confondre toutes les
variantes. La Déclaration
d’Indépendance qui tint et tient encore lieu de Constitution à Israël,
aux
termes mêmes de l’ONU, montre que les évolutions récentes et
catastrophiques de
la politique israélienne n’avaient aucunement une pente fatale et
obligatoire
en direction d’une politique colonialiste, discriminatoire entre
citoyens du
même Etat sur une base racialiste, essentialiste et religieuse. Dans et
hors
d’Israël, des courants d’opinion
nombreux se manifestent pour rejeter cette évolution désastreuse. Au
demeurant,
la discussion sur les origines et le sens très flou «du» sionisme ne
présente
qu’un intérêt mineur hors d’Israël, le problème primordial s’organisant
autour
d’une unique question: ou bien on considère l’ONU comme seule
institution
fixant le droit international, indépendamment de ses limites, ou bien
au
contraire on choisit, dans une sorte de géométrie variable, les
décisions qui
conviennent à son point de vue et en contester d’autres.
L’ONU
n’a pas créé en 1948 un Etat
«sioniste» sur le territoire de la Palestine historique mais deux
Etats, l’un à
majorité juive, l’autre à majorité arabe.
Ce
qui importe est que le peuple israélien
et le peuple palestinien, tous deux de formation récente, ont chacun
droit,
selon les résolutions de l’ONU, à des
frontières sûres et reconnues, à la sécurité, la souveraineté et la
Paix. Le
« droit historique » à un Territoire n’existe pas .
Une
Autre Voix Juive prend le parti de se
fonder sur les décisions de l’ONU. Toute autre attitude conduit à des
contradictions insupportables et dangereuses .
D)
Antisionisme
Les
raisons invoquées pour ne pas se
référer « au » sionisme, comme si ce courant idéologique
était
monolithique, font que de façon symétrique
l’ « antisionisme »
ne saurait avoir de définition univoque. Une Autre Voix Juive le sait :
cette
expression peut témoigner, comme c'est le cas pour elle-même, du refus
d’accepter le socle de toutes les variétés de sionisme. Mais elle ne
saurait
faire l’impasse sur d’autres significations moins avouables. Sous ce
terme
générique, l’histoire contemporaine récente a montré que pouvait se
cacher un
antisémitisme d’Etat. Ce pourrait être
suffisant pour refuser le recours à cette expression. Mais même en
dehors de ce
fait, le recours à l’ « antisionisme » couvre une très
grande
variété d’acceptions. On trouve celle
qui, loin de toute considération concrète se positionne pour rejeter
toutes les
politiques menées par Israël quel que soit son gouvernement, ne faisant
aucune
distinction entre les périodes successives, et de ce fait assimilant
tout au
courant d’ extrême droite actuel, ce qui est politiquement et
intellectuellement intenable. On trouve sous cette expression le rejet
pur et
simple de l’ « entité sioniste ». Enfin des
antisémites
notoires utilisent la phraséologie antisioniste pour éviter d'avoir
affaire à
la justice française. Entre ces deux positions courantes existe une
variété
infinie de positions intermédiaires. Cela suffit à Une Autre Voix Juive
pour en
rejeter l’usage, mais cela ne saurait impliquer de considérer toutes
celles et
ceux qui expriment leur opinion sous cette terminologie hasardeuse
comme
antisémites avérés.
On
rencontre dans tous les secteurs de
l'opinion, y compris à gauche, des individus qui expriment une forme ou
une
autre d'antisémitisme. Quelle que soit l'affinité politique à laquelle
ces
individus croient se rattacher, ils ne font que manifester leur
contamination
par l'idéologie d'extrême droite. C'est
le devoir des organisations qui se veulent de gauche de combattre ces
contaminations et de jouer leur rôle d'éducation populaire politique .
E)
De
quelques conséquences politiques
--La
déclaration du Président de la
République au dîner du CRIF en février soulève une question très grave. D’une part , cette déclaration est faite
devant le CRIF qui, loin d’être aujourd’hui une institution
« représentative » se comporte explicitement comme un lobby
pro-israélien. S’agit-il de lier de façon organique la position
politique de la
France à celle du gouvernement d’Israël, quelles que soient les
violations
vis-à-vis de ses propres engagements internationaux et les crimes que
sa
politique perpétue? Comment peut -on qualifier à juste titre la
colonisation
pratiquée de longues années par la France de « crime contre
l’humanité » et se taire devant celle poursuivie au mépris de tout
droit
par le gouvernement israélien ? Faudra-t-il attendre un nouveau
demi-siècle pour que la France reconnaisse avoir fait fausse
route ?
Au-delà
de ces considérations, cette
subordination inacceptable aux décisions et injonctions d’un
gouvernement
étranger porte non seulement atteinte à l'image et au rôle de la
France, mais
aussi à nos compatriotes juifs ou juives, qui peuvent du même coup être
considéré-e-s comme complices d’une politique niant jour après jour les
principes proclamés par l’ONU, l’Union Européenne, et, il va de soi, au
premier
chef, la France. Bien loin de soutenir la lutte contre l’antisémitisme,
cette
attitude lui fournit de nouveaux aliments et met en danger nos
compatriotes,
alors même qu’ils et elles ne se sentent aucunement lié-e-s à cette
politique,
qu’ils ou elles aient ou non de la sympathie pour Israël.
--L'assimilation
de l'antisionisme à
l'antisémitisme est inacceptable. Une Autre Voix Juive combattra
cette
impossible prétention. Tout autre chose est la remise en cause de la
légitimité
d’Israël aux termes des résolutions de l’ONU dont Une Autre Voix Juive
réclame
l’application.
--On
rencontre, y compris à gauche, des
expressions qui font de la création même d’Israël une
« erreur »
historique. Remonter le cours de l’Histoire est impossible. Les
origines du
plan de partage de la Palestine historique sont sujettes et seront
sujettes à
des débats sans fin, intéressants pour historiens et universitaires, mais ils n’ont aujourd’hui aucune portée
pratique. L’ONU a créé sur le sol de la Palestine historique deux
Etats. L’un
existe, l’autre, soumis à occupation militaire, n'a ni souveraineté ni
indépendance. Il revient à notre pays et à l'Union Européenne de
déployer tous
ses efforts pour que les résolutions de l’ONU soient mises en œuvre.
Israël doit son existence à une forme de
colonisation. Elle n’a rien, à
l’origine, en commun avec d’autres Etats qui se sont construits sur la
quasi
éradication de peuples autochtones. Personne ne songe aujourd’hui à
leur
demander des comptes à ce titre. Il n’est pas acceptable de le faire
relativement à Israël. Cet Etat est né d’une forme de colonisation par
achat
massif de terres à leurs propriétaires en titre, mais sa reconnaissance
doit
tout au legs testamentaire de la deuxième guerre mondiale. Reconstituer
les
conditions ayant conduit à cette décision est impossible.
Au
cours de la guerre de 1948 , près de
800 000 Palestiniens ont été chassés de leur village, parfois
délibérément. Une
des Résolutions de l'ONU traite du "droit au retour ou à
compensation" pour les victimes, Résolution à laquelle Israël est tenu
de
répondre et s’y est constamment refusé, à l'exception des négociations
avortées
de Taba.
On
rencontre, y compris à gauche, des
discours qui mêlent dans une même opprobre tous les gouvernements
israéliens
depuis l’origine de l’Etat. Ces discours sont eux aussi condamnables.
Cela ne
signifie en rien saluer l’action des premiers et les innocenter des
lourdes
fautes politiques et des crimes commis à cette époque. Il demeure qu'on
ne peut
confondre des gouvernements plus ou moins inspirés d’idées
démocratiques avec
ceux qui se sont succédé depuis l’assassinat de Yitzhak Rabin.
-
Ces
discours, certes éminemment
critiquables, téléologiques, n’ont rien à voir avec l’antisémitisme. Ce
sont
des reconstitutions mystificatrices,
symétriques de celles qu’une certaine propagande
sioniste voudrait
imposer.
-
Demeure
la question primordiale :
aucune voix française, Une Autre Voix Juive comprise, ne peut se
prévaloir
d’une fonction de « conseil », ne peut se substituer aux
acteurs
directs, à savoir les peuples israélien ( dans la diversité de ses
composantes
) et palestinien.
-
L’opinion
publique française progressiste
peut -elle contribuer à une solution pacifique, juste et négociée et si
oui comment?
Devant
les faits accomplis des forces
armées israéliennes et la politique coloniale du gouvernement actuel
d’Israël,
grande est la tentation du renoncement ou/et de l’indifférence. Les
débats sur
« sionisme – antisionisme » ne contribuent en rien à sortir
de cette
attitude. Oublier l’ONU, ou en diminuer le rôle, c’est nourrir
exactement à la
fois la politique irresponsable et criminelle d’un Trump, comme celle
du
gouvernement israélien qui cherche par tous les moyens à se libérer des
engagement souscrits auprès de l’ONU .
La
priorité absolue devrait être pour
tout-e démocrate , progressiste, pacifiste, de peser pour qu’en France,
et
évidemment dans l’Union Européenne, se dégage un mouvement d’opinion
puissant
visant à une paix négociée, juste, et durable.
Par de cyniques calculs, jusque-là les gouvernements
les plus divers,
notamment en France depuis le quinquennat de Sarkozy, ont soutenu la
politique
israélienne tout en émettant de timides
réserves , sans portée réelle, par rapport à la
colonisation.
L’invocation des Droits de l’Homme n’est jamais présente dans leur
positionnement. L’Union Européenne n’a pas fait de Jérusalem la
capitale
d’Israël, ni la France, et il faut s’en féliciter, mais les évolutions
graves
actuelles ( dont la loi sur l’Etat-nation du peuple juif, véritable loi
d’Apartheid ) n’ont fait l’objet d’aucune protestation fût-elle
symbolique
.
Les
raisons d’un tel comportement, pour ce
qui concerne la France, ne sont pas
difficiles à concevoir. Puissance coloniale d’hier, avec la persistance
de
courants politiques qui en entretiennent la nostalgie, la France
s’adosse
maintenant à la politique des USA qui nourrit de vastes plans de
réorganisation
du Proche Orient sous sa domination, économique, idéologique,
culturelle,
politique. Elle fait d’Israël le fer de lance de ces plans,
caractéristiques de
l’ « Occidentalisme ». C’est pourquoi seul un mouvement
d’opinion inégalé peut faire changer d’orientation dans notre pays et
dans
l’Union Européenne. C’est pourquoi, au premier chef et indépendamment
des
actions visant au boycott de toute activité économique avec les
implantations
coloniales, il faut imposer d’une part la reconnaissance de l’Etat de
Palestine, acte confirmant les votes de l’Assemblée Nationale, et
d’autre part
la suspension de l’Accord d'Association entre l’Union Européenne et
Israël. Ces
exigences peuvent être portées sans qu’il soit possible de les relier
de façon
quelconque à un antisémitisme camouflé. C’est pourquoi elles peuvent
être très
largement partagées et mettre un terme à la complicité coupable des
gouvernements de l’Union Européenne avec une politique qui bafoue tout
principe
qu’elle est censée porter. C’est vers cet engagement qu’Une Autre Voix
Juive se
mobilise et elle y persévèrera.
22
mars 2019
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