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Une Autre Voix Juive |
Le plébiscite Uri
Avnery, mardi 9 décembre 2014 Les
Israéliens en ont assez de Benjamin Nétanyahou. Ils en ont assez du
gouvernement. Ils en ont assez de tous les partis politiques. Ils en
ont
assez d’eux-mêmes. Ils en ont marre. C’est
la raison de la désintégration
du gouvernement cette semaine. Il n’est pas tombé pour une raison
particulière.
Certainement pas à cause de questions hors de propos comme la
paix et
la guerre, l’occupation, le racisme, la démocratie et
autres inepties. Assez
curieusement, ceci était déjà
arrivé une fois à Nétanyahou. Son premier gouvernement s’est
désintégré
en 1999, et le pays tout entier avait poussé un soupir de
soulagement
audible. Vraiment, le sentiment général fut un sentiment de
libération, comme
si un envahisseur étranger avait finalement été expulsé. Comme
à Paris
en 1944. En 2000,
dans la soirée après
l’élection, quand on annonça que Nétanyahou avait été battu, ce fut
une
explosion de joie. Des dizaines de milliers de citoyens enthousiastes
déferlèrent
spontanément vers la Place Rabin, au centre de Tel-
Aviv
et acclamèrent le sauveur, Ehoud Barak, tête du parti travailliste.
Celui-
ci
annonça l’aube d’une Autre jour. Malheureusement,
Barak se révéla être
un sociopathe et un égocentrique, voire un mégalomane. Il
a raté la
chance de paix à la conférence de Camp David et dans le
processus il
a presque totalement détruit le mouvement de paix israélien. La
droite,
à l’époque dirigée par Sharon, est revenue au pouvoir. Puis sous
Ehoud
Olmert. Puis sous Nétanyahou de nouveau. Et encore avec lui. Et
encore aujourd’hui ? A
Dieu ne plaise ! ALORS POURQUOI le
gouvernement
s’est-il brisé cette semaine ? Sans
raison spéciale. Les ministres en
avaient simplement assez les uns des autres, et tous en avaient assez
de “Bibi”. Les
ministres ont commencé à dire
du mal les uns des autres, et de Nétanyahou. Le Premier ministre,
à son
tour, a accusé ses ministres, l’un après l’autre, d’incompétence
et de
sinistres conspirations contre lui. Dans son discours d’adieu,
Nétanyahou
a accusé son ministre des Finances, Yair Lapid, de l’échec, comme
si lui,
le Premier ministre, n’y était pour rien. Le
public a regardé, comme un
témoin amusé ou perplexe. Comme si tout ce gâchis ne le concernait pas. Maintenant
nous avons de nouvelles
élections. Pour
le moment, il semble que nous
soyons condamnés à avoir un quatrième gouvernement Nétanyahou,
encore
pire que le troisième, plus raciste, plus anti-
démocratique,
plus anti-
paix. A
moins que Il
y a trois semaines, alors que
personne encore n’avait prévu l’imminente rupture, j’ai écrit un
article dans
Haaretz. Il avait pour titre : “Un gouvernement d’urgence
nationale”. Mon
argument est que le gouvernement
Nétanyahou conduit le pays au désastre. Il détruit
systématiquement toute
chance de paix, en développant les colonies en Cisjordanie et
spécialement
à Jérusalem-
est,
en attisant le feu d’une guerre de
religions sur le Mont du Temple/Noble
sanctuaire,
en dénonçant
en même temps aussi bien Mahmoud Abbas que le Hamas. Tout ceci
après la superflue guerre de Gaza, qui s’est terminée par un match nul
militaire
et un désastre humain qui se poursuit sans relâche jusqu’à ce jour. En
même temps, le gouvernement bombarde
la Knesset d’un flot ininterrompu de projets de lois racistes et anti-
démocratiques,
tous pires que le précédent, culminant dans le projet de loi
appelé « Israël : l’Etat-nation du peuple juif », qui
élimine le
terme « Etat juif et démocratique » aussi bien que le mot
« égalité ». En
même temps, Nétanyahou se querelle
avec l’administration américaine, endommageant sévèrement une
relation qui
est la ligne de vie d’Israël dans tous les domaines, alors que l’Europe
s’approche lentement mais sûrement vers des sanctions
contre Israël. En
même temps, les inégalités sociales,
déjà énormes, continuent de se creuser ; les prix sont plus
élevés en
Israël qu’en Europe, les logements presque inabordables. Avec
ce gouvernement, nous galopons
vers un Etat raciste d’apartheid, tant en Israël proprement dit que
dans les
territoires occupés, allant tout droit au désastre. DANS CETTE situation
d’urgence,
ai-
je
écrit, nous n’avons pas les moyens de
mener les querelles habituelles entre les petits
partis de gauche et centristes,
chacun d’eux ne pouvant pas même commencer à mettre en danger la
coalition
de droite au pouvoir. Dans une situation d’urgence nationale, nous
avons besoin
de mesures d’urgence. Nous
devons créer un bloc électoral uni
de tous les partis centristes et de gauche, sans laisser personne
à l’écart, y compris si possible les partis arabes. JE SAIS que
c’est une tâche
herculéenne. Il y a de grandes différences idéologiques
entre ces
partis, sans parler des intérêts partisans et des égos des
dirigeants, qui
jouent un rôle énorme en temps ordinaire. Mais ce ne sont pas des
temps ordinaires. Je
ne propose pas que les partis se dissolvent
et fusionnent dans un grand parti. Cela, je le crains, est impossible
en ce
moment. C’est, pour le moins, prématuré. Ce qui est proposé est une
alliance
temporaire, basée sur une plateforme générale pour la paix, la
démocratie,
l’égalité et la justice sociale. Si
les forces politiques arabes pouvaient
se joindre à cette coalition parallèle, ce serait merveilleux.
Si le
temps n’est pas encore mûr, les citoyens arabes pourraient créer un
bloc
unifié parallèle, en lien avec le bloc juif. Le
but déclaré de ce bloc devrait être
de mettre fin à la dérive catastrophique du pays vers l’abîme et
à évincer du pouvoir non seulement Nétanyahou mais l’ensemble du
groupe
des colons, démagogues nationalistes et racistes, fauteurs de
guerre et fanatiques
religieux. Il appellerait tous les secteurs de la société
israélienne,
femmes et hommes, Juifs et Arabes, orientaux et ashkénazes, laïques
et religieux,
immigrants russes et éthiopiens. Tous ceux qui ont peur pour l’avenir
d’Israël et qui sont résolus à le sauver. L’appel
devrait être adressé d’abord
à tous les partis existants – parti
travailliste et Meretz, « Il y a un avenir » de Yair
Lapid, « le mouvement » de Tsipi Livni, aussi bien que le
nouveau
parti-dans-l’action de Moshe Kahlon, le Hadash commmuniste et les
partis
arabes. Il devrait aussi demander le soutien de toutes les
organisations de
paix et des droits humains. Dans
les annales politiques d’Israël,
il y a un exemple. Quand Ariel Sharon quitta l’armée
en 1973 (après la conclusion que ses pairs ne lui
permettraient
jamais de devenir chef d’état-major) il créa le Likoud par l’union du
parti
Liberté de Menachem Begin, des libéraux et de deux petits
partis dissidents. Je
lui ai demandé le sens de cette
manœuvre. Les partis Liberté et libéraux étaient déjà unis dans un
groupe
commun à la Knesset, les deux microscopiques partis étaient de
toute
façon voués à disparaître. « Vous
ne comprenez pas »
répliqua-
t-
il.
« L’important est de convaincre les électeurs que l’ensemble de
la droite
est maintenant unie, sans personne laissé de côté. » Begin
était loin d’être enthousiaste.
Mais une forte pression publique fut exercée sur lui et il devint le
leader de
ce nouveau parti. En 1977, après huit défaites électorales
successives,
il est devenu Premier ministre. UNE UNION de
centre gauche a-
t-
elle
aujourd’hui une chance de
succès ? Je crois fortement que oui. Un
très grand nombre d’Israéliens, Juifs
et Arabes, sont tout-
à-
fait
désespérés
du processus politique. Ils méprisent tous les politiciens et
partis, ne
voyant en eux que corruption, cynisme et intérêt personnel. D’autres
croient
que la victoire de la droite est inévitable. Le sentiment dominant
est du
fatalisme, de l’apathie – Que
pouvons-
nous faire ? Un
grand nouveau regroupement porte le
message suivant : Oui, nous pouvons. Tous ensemble, nous pouvons
arrêter
la voiture et lui faire faire demi-
tour
avant
qu’elle n’atteigne la falaise. Nous pouvons transformer des
spectateurs en
militants. Nous pouvons transformer des abstentionnistes en
électeurs.
Des masses d’entre eux. RESTE LA QUESTION :
qui
sera le N°1 sur la liste électorale commune ? C’est
un énorme problème. Les hommes
politiques ont de gros égos. Aucun(e) d’eux n’abandonnera aisément son
ambition. Je sais. J’ai vécu ceci trois fois dans ma vie, et j’ai dû
composer
avec mon propre ego. Et
aussi, la personnalité de la tête
de liste a un impact disproportionné sur le vote des gens. Voyons
les choses en face : en ce
moment il n’y a pas de personnalité exceptionnelle autour de
laquelle
pourrait se porter naturellement le choix. Une
façon simple et démocratique est
de définir la tête de liste par des sondages d’opinion. Laisser le
plus populaire gagner. Une
autre méthode est d’ouvrir des primaires
publiques. Quiconque déclare qu’il votera pour cette liste votera
aux primaires. Si
de minables petites ambitions
devaient nous coûter la victoire, se serait une tragédie de dimension
historique. AU COURS des
quelques derniers
jours, des appels identiques et similaires ont été publiés. Il
y a une
demande croissante pour un Front uni de salut national. Pour
que cette vision devienne réalité,
une pression publique est nécessaire. Nous devons surmonter
l’hésitation des
politiques. Nous avons besoin d’un flot permanent de demandes, de
pétitions
par des personnalités reconnues des mondes culturel, politique,
économique
et militaire, aussi bien que par des citoyens de tous horizons. Des
centaines.
Des milliers. Ces
élections qui viennent peuvent
devenir un plébiscite, un choix clair entre deux États israéliens
très différents. Un
Israël raciste d’inégalité, engagé
dans une guerre sans fin et de plus en plus soumis à la loi des
rabbins
fondamentalistes. Ou
un Israël démocratique qui cherche
la paix avec la Palestine et l’ensemble du monde arabe et musulman et
l’égalité
entre tous les citoyens, quels que soient le sexe, l’appartenance
nationale, la
religion, la langue et la communauté. Dans
un tel contexte, je crois que
nous gagnerons. |
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Mise
à jour : 16.12.2014
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