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Message de Marwan Barghouthi au Réseau de la
Coopération Décentralisée pour
la Palestine (RCDP)
Marwan
Barghouthi s’est
adressé aux participants des quatrième assises
de la coopération décentralisée franco-palestinienne qui se sont tenues
à
l’institut du monde arabe les 22 et 23 octobre 2015. Son message a été
lu par
Claude Nicolet, président du RCDP.
Marwan
Barghouthi, vendredi 23 octobre 2015
Chers
amis,
Permettez-moi
de commencer en vous remerciant de m’avoir invité à
m’exprimer à l’occasion de ses Assises de la coopération décentralisée
franco-palestinienne, et cela en ma qualité de Président du groupe
d’amitié
Palestine-France au Conseil Législatif Palestinien. C’est une fonction
que j’ai
peu l’occasion d’exercer pleinement mais qui me tient particulièrement
à cœur
en raison des liens profonds d’amitié qui lient nos pays et nos
peuples, et
dont la coopération décentralisée entre nos villes et nos régions
respectives
est une des plus belles et plus concrètes manifestations.
Je
vous envoie ce message alors que la Palestine refait irruption dans les
forums diplomatiques et les journaux télévisés, non en raison de la
colonisation, du siège de la bande de Gaza ou des attaques de l’armée
d’occupation israélienne ou des colons, qui constituent notre
quotidien, mais
pour nous faire apparaitre comme les instigateurs d’une violence dont
nous
sommes en réalité les victimes, car l’oppression et l’occupation sont
la source
de toute violence. Je vous écris alors que se rajoute au siège
insupportable de
la bande de Gaza, le siège intérieur et extérieur de la ville de
Jérusalem, et
que notre peuple, des deux côtés de la ligne verte, se révolte contre
le déni
de ses droits.
70
ans après la Nakba, la Palestine continue à chercher la place qui lui
est du dans l’histoire et la géographie, Notre peuple veut vivre en
liberté et
en dignité sur sa terre et sa volonté demeure sans faille. L’oppression
et la
répression ne mèneront ni à notre capitulation ni à la paix, ils ne
feront que
bloquer un peu plus les voies de l’avenir. En 3 semaines, plus de 50
Palestiniens ont été tués, près de 2000 blessés, souvent par balles
lors de
leur participation dans les manifestations contre l’occupation, plus de
1000
Palestiniens ont été arrêtés. Le peuple palestinien a le droit et même
le devoir
de résister à l’occupation et il doit mener sa résistance en conformité
avec le
droit international. Cette période en particulier exige de nous la plus
large
résistance populaire possible, ainsi que d’avancer dans la voie de la
désobéissance civile.
J’ai
appris l’hébreu dans les geôles de l’occupation et j’ai lancé le
dialogue parlementaire après la conclusion des accords imparfaits de
paix
d’Oslo, pour soutenir les avancées vers la paix et donner une chance à
cet
accord intérimaire pour qu’il ouvre la voie à un accord de paix
définitif,
menant à l’établissement d’un Etat palestinien libre, indépendant et
souverain
sur les frontières de 1967 avec Jérusalem-Est pour capitale vivant en
paix et
en sécurité aux côtés d’Israël et garantissant le droit au retour des
réfugiés
palestiniens. Si nous avions réussi à conclure un tel accord définitif
en 1999
comme prévu, nous aurions pu changer en profondeur l’avenir de cette
région qui
est désormais témoin et victime de bouleversements sans précédents et
particulièrement
inquiétants. Mais Israël a choisi la voie du colonialisme et de la
perpétuation
de l’occupation et non celle de la paix.
Il
ne peut y avoir de négociations sérieuses avec un gouvernement qui
entend poursuivre l’occupation et non y mettre un terme. Ce n’est que
lorsque
Israël, la puissance occupante, se sera clairement engagé à mettre fin
à son
occupation et aura reconnu les droits inaliénables du peuple
palestinien et
aura libéré nos prisonniers que nous pourrons avancer sur la voie de la
paix.
En attendant que cela arrive, il est impératif que la communauté
internationale
à tous les niveaux mettent fin à l’impunité d’Israël et prennent les
mesures
qui s’imposent pour faire respecter le droit international. On n’a pas
mis fin
à l’apartheid par la négociation, c’est la décision de mettre fin à
l’apartheid
due à la pression du terrain et internationale, y compris via la
campagne
Boycott Désinvestissements et Sanctions, qui a permis de lancer les
négociations de paix, Pour l’heure, la Communauté internationale n’a
pas réussi
à œuvrer pour mettre fin à l’occupation, ou mettre fin à l’impunité, ou
même
pour accorder à notre peuple la protection qui lui est du, Et certains
préfèrent même se préoccuper de la sécurité de la puissance occupante
plutôt
que de garantir la sécurité du peuple occupé qui n’a ni armée, ni
arsenal
militaire.
Notre
peuple a été confronté depuis plus de 70 ans à la dépossession, au
transfert forcé, à la négation de ses droits et de son existence. Votre
solidarité contribue à lui permettre de rester sur sa terre et de
réclamer sa
souveraineté, Je salue ce travail quotidien que vous faites et qui
porte une
signification particulière. Il est l’expression de votre soutien à une
cause
noble et juste, celle de la liberté et de la dignité de notre peuple
qui sont
les fondements indispensables de la paix,
Je
ne peux parler des jumelages et ne pas évoquer le jumelage de villes
françaises avec les camps de réfugiés palestiniens qui sont souvent en
première
ligne des tragédies qui traversent notre région, et je salue par la
même la
mémoire de deux hommes, deux frères, qui ont porté et incarné ce
magnifique
projet, Ahmad Muhaissen et Fernand Tuil.
Enfin,
permettez moi de dire qu’Israël pensait qu’en m’emprisonnant elle me
couperait du peuple palestinien et du monde, J’ai passé 20 ans dans les
geôles
israéliennes, dont les 13 dernières années, j’ai passé plus de 3 ans en
isolement, et pourtant le lien qui me lie à notre peuple héroïque n’a
fait que
se renforcer, et en me permettant de m’adresser à vous, vous démontrez
qu’Israël a aussi échoué à rompre le lien particulier qui me lie à la
France.
Les
prisonniers palestiniens sont des messagers de la liberté, et c’est
pourquoi une campagne internationale a été lancée de la cellule de
Nelson
Mandela à Robben Island par ma femme et l’amour de ma vie Fadwa et
l’icône
anti-apartheid Ahmed Kathrada, compagnon de Mandela, pour exiger ma
libération
et celle de tous les prisonniers palestiniens. Cette campagne, par
l’incroyable
soutien dont elle jouit, y compris celui de 8 prix Nobel de la paix
dont le
Président Carter ; d’anciens chefs d’États et de gouvernements,
d’anciens
ministres, de parlementaires, d’associations, d’intellectuels et
d’artistes,
est le reflet du soutien planétaire à notre cause. Je voudrai remercier
les
amis français qui se sont mobilisés dès les premières heures après mon
arrestation et tous ceux qui animent la campagne en France. Je voudrai
aussi
remercier les villes qui m’ont octroyé le privilège d’être leur citoyen
d’honneur, et je m’engage de nouveau, dès que je suis libre, à réserver
mon
premier voyage à l’étranger à la France. La France a souvent été et
demeure à
l’avant garde du soutien pour la cause palestinienne et à la paix et
nous
espérons qu’elle fera le choix indispensable de reconnaître l’État de
Palestine
au plus vite, Je sais que nombre d’entre vous œuvrent activement pour
que cela
se réalise,
Chers
amis,
la
France a connu l’occupation et a elle-même occupé plusieurs pays dont
l’Algérie. Elle est donc bien placé pour savoir que l’occupation
étrangère ne
dure qu’un temps, et c’est ce que le Général De Gaulle a compris tant
quand il
a choisi de mettre en place la résistance que lorsqu’il a décidé de
mettre fin
à l’occupation de l’Algérie. Pour réaliser la libération en 1944 la
France a
consenti beaucoup de sacrifices, et pour se libérer du joug colonial
l’Algérie
a payé un tribut sans précédent. De ces exemples, comme de celui de
Mandela et
de la lutte contre l’apartheid, nous tirons une seule et unique
conclusion : notre victoire est inéluctable, et elle doit être
celle de la
liberté, de la dignité, de la justice, elle doit consacrer le triomphe
des
principes universels comme l’a souvent si bien rappelé le grand
Stéphane
Hessel. C’est par le plein respect de ces principes universels, et non
à leur
dépend, qu’on fonde le règne de la paix.
Marwan
Barghouthi
cellule
28
prison de Hadarim
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