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Une Autre Voix Juive |
UAVJ a
décidé , après consultation et accord quasi unanime des
signataires de joindre sa signature à ce texte très
largement
convergent avec ses propres positions :
« Trop,
c’est trop ! »,
c’était le cri lancé en décembre 2001 par Madeleine Rebérioux, Pierre
Vidal-Naquet, Stéphane Hessel et d’autres lorsque des coups dramatiques
étaient
portés contre Yasser Arafat et l’Autorité palestinienne à Ramallah. C’est
ce cri que nous répétons aujourd’hui face à cette nouvelle offensive
militaire qui ne mène à rien. Pas plus que les
précédentes
opérations de l’armée israélienne à Gaza, ou que l’invasion du Liban à
laquelle
avait réagi un texte de ce même collectif intitulé
« Assez ! »,
paru le 27 juillet 2006, le dernier que Pierre Vidal-Naquet a signé
quelques
jours avant sa mort. Il disait l’essentiel : « À l’opposé de
la
logique guerrière, nous pensons que des victoires militaires ne
garantissent
pas l’avenir d’Israël. Seuls un dialogue ouvert et la recherche
patiente d’une
cohabitation avec un véritable État palestinien permettraient aux
Israéliens
d’obtenir la paix avec leurs voisins arabes. » Un
mois après l’entrée de l’armée
israélienne à Gaza, le bilan humain est très lourd – plus de 2 000
morts
palestiniens, dont 85% de civils, sans compter les milliers de blessés
et les
centaines de milliers de sans-abris, ainsi que 67 morts israéliens dont
trois
civils – et, surtout, il n’y a pas de vainqueur et il ne peut y
avoir de
vainqueur. Les
autorités israéliennes pensaient
pouvoir contrôler l’ensemble de la bande de Gaza et obliger les groupes
armés à
y cesser le combat, elles ont constaté, au vu de la résistance qu’elles
y ont
rencontrée, que ce serait au prix de pertes décuplées dans leurs rangs
et de la
transformation de tout ce territoire en un champ de ruines, avec
plusieurs
milliers de victimes civiles. L’opinion israélienne, elle-même, qui
soutenait
cette guerre à plus de 90% estime très majoritairement qu’au bout d’un
mois,
elle n’a pas conduit à une victoire. De fait, quand une guérilla
s’enfouit sous
terre pour combattre, elle montre à la fois qu’elle dispose du soutien
d’une
grande majorité de la population et que ses soldats sont prêts à
creuser leur
propre tombe plutôt que se soumettre. Chacun sait qu’il n’existe pas de
solutions militaires et que seule une solution politique est possible. Mais
la société israélienne ne veut pas,
aujourd’hui, rechercher une solution fondée sur deux Etats et le
retrait des
territoires palestiniens occupés en 1967, qui puisse assurer à long
terme à
Israël un avenir pacifique. L’hystérie guerrière aux accents parfois
franchement racistes qui a déferlé pendant ce mois d’opérations
militaires à
Gaza s’est accompagnée d’une répression encore jamais vue contre les
pacifistes
israéliens et de violences contre les Palestiniens, y compris ceux de
nationalité israélienne, elle a aggravé l’aveuglement nationaliste
dominant. Un
aveuglement qui a conduit le gouvernement israélien à suspendre sa
participation à des négociations laissant entrevoir une trêve durable
et à
reprendre les bombardements sur Gaza. Une
solution ne peut venir que d’une
démarche résolue de la communauté internationale et des sanctions
contre l’Etat
d’Israël et ses institutions pour l’amener à respecter enfin le droit
international et les légitimes aspirations des Palestiniens à vivre eux
aussi
en paix au sein de frontières sûres et reconnues. Or,
cinquante sept ans après la guerre des
Six-jours, la colonisation de la Cisjordanie se poursuit et les
habitants de Gaza
sont toujours enfermés dans un ghetto qui vaut occupation. L’émotion
légitime
que cette situation provoque dans notre pays comme partout dans le
monde ne
doit certes pas être détournée par une extrême minorité qui dévoie le
soutien
aux droits du peuple palestinien en un antisémitisme toujours aussi
insupportable et qui doit être réprimé. Mais rien ne justifie que
certaines
organisations communautaires juives marquent du sceau infamant de
l’antisémitisme ceux et celles qui revendiquent haut et fort un Etat
pour la
Palestine. Il n’est pas plus acceptable que ces mêmes organisations se
fassent
les portes parole des intérêts israéliens en tentant de criminaliser
toute
tentative citoyenne, notamment au travers d’un boycott des produits
israéliens,
de s’opposer à une politique meurtrière pour les Palestiniens et
suicidaire
pour les Israéliens. Comme
le gouvernement, nous n’acceptons
pas que le conflit israélo-palestinien soit importé en France. Mais
nous
refusons que le droit de s’exprimer soit rendu tributaire de telle ou
telle
solidarité. C’est alors la capacité de débattre démocratiquement qui
est mise
en cause, ouvrant la voie aux assignations à résidence et aux
affrontements
communautaires. Nul n’est légitimé à se faire le porte parole de l’une
des parties
au conflit. Face
à cette nouvelle guerre meurtrière,
face aux atteintes à la liberté d’expression nous ne pouvons nous
taire. Nous
demandons : que les Nations unies imposent, sous peine de
sanctions, le
retrait durable des troupes israéliennes de Gaza, l’envoi d’une force
d’interposition et de protection du peuple palestinien et la fin du
blocus
aérien, maritime et terrestre de ce territoire ; que l’Union
européenne
suspende son accord d’association avec Israël, comme le prévoit son
article 2 ;
que la France cesse immédiatement toute coopération militaire avec
Israël et
mette un embargo total sur les armes et transferts de technologie
pouvant
déboucher sur un usage militaire à destination d’Israël ; que la
Palestine
soit, enfin, reconnue comme un membre à part entière de
l’ONU ; que
le Conseil de sécurité saisisse la Cour pénale internationale pour que
les
responsables de tous les crimes de guerre aient à rendre compte
devant
la justice ; que l’on impose aux produits israéliens issus
des
colonies un traçage particulier pour les distinguer des autres et que
l’on
cesse de poursuivre ceux et celles qui tentent de faire respecter la
législation ou manifestent leur solidarité avec le peuple Palestinien.
Nous
appelons à un engagement plus déterminé encore de l’opinion
démocratique
française pour imposer le droit international, soutenir les aspirations
trop
longtemps écrasées du peuple palestinien, imposer l’arrêt de la
colonisation et
le renoncement au projet de « Grand Israël », faire
comprendre enfin
à la société israélienne qu’elle se dirige dans une impasse suicidaire
et
qu’elle doit regarder la réalité en face. Etienne
Balibar, philosophe ; Anne
Brunswic, journaliste et écrivain ; Alice Cherki,
psychanalyste ;
Jocelyne Dakhlia, historienne et anthropologue ; Sonia
Dayan-Herzbrun,
sociologue et philosophe ; Jean-Pierre Dubois, juriste ;
Catherine
Lévy, sociologue ; Jean-Marc Lévy-Leblond, physicien et
essayiste ;
Gilles Manceron, historien ; Véronique Nahoum-Grappe,
anthropologue ;
Pierre Nicodème, mathématicien-informaticien ; Abraham Ségal,
documentariste ; Jacques Testart, biologiste ; Michel
Tubiana,
président du Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme. |
Pour réagir, écrivez nous ! |
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Mise
à jour : 22.08.2014
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